Chaque siècle peut se résumer à quelques noms et quelques événements marquants. Lorsque j’ai vu Nelson Mandela prononcer son premier discours public à sa sortie de prison, je n’aurais jamais pu penser qu’il allait devenir la figure de ralliement incontestable du siècle. Et si ce jour-là, sur la place de l’Hôtel de ville du Cap, je n’ai pu imaginer une telle chose, ce n’est évidemment pas parce que j’avais le moindre doute sur le caractère extraordinaire et unique de Mandela, mais plutôt parce que je doutais qu’un Africain puisse être reconnu dans le monde entier. Après tout, il venait de passer 27 années en prison, sans susciter pendant tout ce temps-là l’agitation qui allait suivre. Il avait maintes fois mérité d’être élu « Personnalité de l’année » par les grands médias, mais ne l’avait jamais été. Le Mandela qui venait d’être libéré était pourtant le même homme, et il nous réservait bien des surprises...
Mandela a eu du temps pour préparer ce qui, selon lui, était inéluctable: la fin de l’institution la plus intolérable du siècle passé, la coexistence officielle d’un régime ayant institué la ségrégation raciale et d’une communauté internationale qui avait adopté la Déclaration universelle des droits de l’homme. Face à ce paradoxe, et à bien d’autres, Nelson Mandela a su montrer qu’il était différent: embrassant la complexité, ce n’était pas un héros ordinaire et il devint le symbole de la dignité humaine.
Mandela a été l’un des derniers dirigeants africains qui ont consacré leur vie à lutter pour libérer le continent du joug du colonialisme. L’un de ces hommes et femmes qui ont vécu, se sont battus et sont morts au nom du principe selon lequel les Africains sont capables de gérer leurs propres affaires. Kwame Nkrumah, Julius Nyerere, Amilcar Cabral, Patrice Lumumba, Oliver Thambo, Nelson Mandela et bien d’autres ont mené les batailles intellectuelles, politiques, sociales, culturelles et parfois militaires qui permettent aujourd’hui aux Africains d’affirmer qu’ils exercent un plus grand contrôle sur la manière dont ils mènent leur vie. Les différentes étapes de la vie de ce grand homme sont source de nombreux enseignements et éléments de réflexion. Alors que l’Afrique entame ce nouveau siècle et que nous œuvrons à l’élaboration d’un nouveau projet pour le continent à l’horizon 2063, nous devons nous inspirer de son « long chemin vers la liberté ».
En tant que dirigeant, Mandela était un père pour tous, et il a guidé son peuple à travers le processus de vérité et de réconciliation. Il a su incarner la passion, nous inspirer par ses actes et montrer l’exemple. Il avait un sens fort de son identité et resta fidèle à ses convictions malgré le danger.
Mandela a été une grande source d’inspiration pour moi et pour ma génération. Il incarnait l’unification et l’intégration du continent. La lutte pour la libération totale de l’Afrique ne s’est pas achevée quand Mandela est sorti de prison, comme il le souligna lui-même dans son discours du Cap. Je voudrais ajouter humblement qu’elle ne doit pas non plus s’achever avec sa disparition, alors même que nous élaborons le récit de la renaissance africaine. L’héritage, les valeurs et les vérités de Mandela doivent servir de solide fondement à une Afrique unie et prospère.