Carlos Lopes

Afrique: La course du guépard

Le blog de l'ancien Secrétaire exécutif

Les petites nations doivent s’unir pour une révolution climatique

10 Octobre 2014
Small nations should unite for a climate revolution

Aucune nation n’est épargnée face aux changements climatiques, mais ce sont les plus pauvres qui seront le plus touchées. La lutte contre les changements climatiques dans le cadre d’un accord mondial, juste et inclusif est une obligation morale. Pour l’Afrique, il n’y a plus de temps à perdre.

Les grands de ce monde se réunissent aujourd’hui à New York à l’occasion du Sommet sur le climat pour tenter de ranimer les négociations sur ce thème à l’aube de la 21ème conférence sur le climat. À mesure que le délai fixé dans le Protocole de Kyoto se rapproche, reste à savoir la mesure dans laquelle l’Afrique pourra compter sur l’appui de la communauté internationale pour faire avancer son programme.

Nous savons tous qu’une conduite éclairée est d’une importance primordiale. Les responsables politiques doivent penser au-delà de la durée de leur mandat et les pays doivent porter leur regard par-delà leurs frontières. Nous devons repenser radicalement la façon dont le monde produit et consomme de l’énergie. Or, la Chine et l’Inde, qui représentent ensemble près d’un tiers des émissions à l’échelle mondiale, ont décidé de ne pas participer à ce sommet. Celui-ci aura donc du mal à produire les résultats attendus.

En l’absence de la Chine et de l’Inde, les petites nations doivent faire bloc, car ce sont elles qui sont le plus frappées de plein fouet par les changements climatiques. Nous ne pouvons plus attendre que les puissances mondiales agissent avec bienveillance dans l’intérêt de l’humanité tout entière.

Tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, doivent veiller à réduire leurs émissions de CO2. Nous devons empêcher un réchauffement supplémentaire et inverser la tendance et prendre des mesures pour atténuer les effets des changements climatiques déjà perceptibles dans le monde entier.

Il ne fait aucun doute que les changements climatiques menacent d’enrayer la croissance impressionnante enregistrée récemment en Afrique et compromettent les gains socioéconomiques de ces dix dernières années. Le développement de l’Afrique repose sur des secteurs fortement tributaires du climat, notamment l’agriculture, la pêche et le tourisme. À elle-seule, l’agriculture représente 30 % du PIB de l’Afrique et 50 % des exportations totales du continent.

Même si les engagements actuels visant à limiter les émissions d’ici à 2020 sont respectés, la température mondiale devrait, d’après les prévisions, augmenter de 3,5 à 4 degrés Celsius à l’horizon 2100. Cela entrainerait une diminution de 30 % des précipitations en Afrique sub-saharienne, ce qui serait une catastrophe pour un continent dans lequel l’agriculture pluviale représente 96 %.

La persistance des sécheresses et des inondations aggravent déjà la sécurité alimentaire et la sécurité de l’eau, menaçant les moyens de subsistance et la santé. Les graves sécheresses dans la Corne de l’Afrique et au Sahel en 2011 et 2012 ont provoqué la perte de cultures et de bétail et, de ce fait, 13 millions de personnes ont eu besoin d’une aide humanitaire.

L’efficacité avec laquelle l’Afrique aborde la question du lien entre la production vivrière, l’eau et l’énergie déterminera le nombre de millions de personnes qui sortiront de la pauvreté dans les prochaines décennies.

Seule une révolution agricole soucieuse du climat garantira la sécurité alimentaire. Il faut élaborer des stratégies de gestion de l’eau pour protéger et remettre en état les nappes souterraines et les bassins fluviaux. Le secteur énergétique devrait être axé sur la promotion et l’adoption de sources d’énergie propre et renouvelable. En outre, les gouvernements et les chefs d’entreprises africains doivent faire d’importants investissements dans la science et la technologie pour appuyer les efforts d’atténuation et d’adaptation. Même si l’aide internationale revêt une importance cruciale, il est nécessaire d’élaborer des solutions efficaces et durables au niveau local.

Les nations en développement ont la possibilité de faire les choses comme il faut. Des partenariats doivent être créés pour mettre en commun la technologie et les meilleures pratiques. Les pays doivent abandonner leurs intérêts personnels dans un monde où les changements climatiques ne connaissent pas de frontières.

Si les économies émergentes font porter leurs efforts sur la croissance à tout prix,  nos enfants risquent de se retrouver face à une situation terrible. De nombreuses données montrent que l’impact financier des changements climatiques sera plus élevé que celui des changements nécessaires pour y mettre un terme.

Or, ce qui est clair, c’est que pour la première fois l’Afrique n’est pas à la traîne. Le continent a entamé une démarche volontariste pour résoudre le problème des changements climatiques, en permettant aux individus de se prendre en charge et en renforçant les institutions.

La croissance économique impressionnante du continent, stimulée par le boom des exportations, l’amélioration de la gouvernance et l’accroissement de l’investissement étranger, a donné corps au concept de  l’émergence de l’Afrique. D’ici à 2050, un quart de la population mondiale sera africain et 60 % des Africains vivront dans des villes. Le continent est à l’aube d’une transformation.

Les responsables politiques élaborent des plans ambitieux pour créer des économies propres et vertes dans toute l’Afrique. Des partenariats sont instaurés entre l’État, le secteur privé et la société civile en vue de la mise en place rapide de plans d’action nationaux sur le climat.

Si les pays qui contribuent le plus aux changements climatiques n’assument pas à l’échelle mondiale un rôle de chef de file, il appartient aux petites nations en développement de tout mettre en œuvre pour que leurs intérêts soient représentés avant qu’il ne soit trop tard.

Avant la Conférence des Nations Unies sur le climat prévue l’an prochain à Paris, qui établira un nouveau programme visant à remplacer le Protocole de Kyoto, il est essentiel que les pays africains fassent entendre leur voix et que leur voix compte.

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Le présent article a été publié par CNN le 23 septembre 2014.