Il est incontestable que l’Afrique connait une irrésistible ascension, partagée par le reste du « Sud ». Malgré le ralentissement économique de ces dernières années, le continent a connu une croissance sans précédent. De façon parfois erratique, il y a eu des progrès dans la réduction de la pauvreté, et la meilleure qualité de vie a apporté des perspectives économiques nouvelles à beaucoup d’Africains.
Le commerce représente un grand potentiel de développement durable et joue un rôle croissant dans les bons résultats économiques enregistrés par les économies africaines ces dix dernières années. De fait, la bonne tenue des échanges s’est montrée très résiliente, même face à la crise économique en cours.Pourtant, l’Afrique doit réfléchir à sa croissance économique continue à la lumière des trois piliers du développement durable – économique, environnemental et social – et évaluer si son développement « répond aux besoins des générations actuelles sans compromettre la capacité des futures générations de répondre aux leurs », comme l’a dit la Commission Brundtland dans son rapport Notre avenir à tous. La Conférence des Nations Unies sur le développement durable (Rio+20), tenue l’année dernière, a lancé la dynamique de l’économie verte en Afrique, et il reste essentiel que le continent oriente son programme de transformation vers le développement durable.
Comment renforcer la compétitivité de l’Afrique ?
Historiquement, le commerce intrarégional formel africain a tourné autour de 10 à 12 %, même si ce chiffre pourrait être beaucoup plus élevé. Il ne tient pas compte des statistiques lacunaires ni des échanges informels. Il n’en reste pas moins que les échanges internes aux communautés économiques régionales croissent plus rapidement que les exportations africaines vers le reste de l’Afrique et le reste du monde. Le Marché commun d’Afrique orientale et australe seul a presque quintuplé ses échanges intra-africains depuis le lancement de son accord de libre-échange en 2000. La Communauté de développement de l’Afrique australe a plus que triplé ses échanges internes et la Communauté de l’Afrique de l’Est les a plus que doublés.
Si elles sont correctement exploitées, les chaînes de valeur régionales peuvent aider l’Afrique à acquérir la capacité critique nécessaire pour soutenir la concurrence alors que le continent se hisse dans la chaîne de valeur mondiale, en favorisant les possibilités qui se présentent pour les pays de jouer au plan international et de contribuer avec différents intrants à la fabrication de produits intermédiaires et finals. Cela pourrait conduire à une multitude de résultats positifs, tels que la création d’emplois, des gains de productivité, la génération de revenus et la création de liens en amont, avec pour résultat que des millions de personnes sortiraient de la pauvreté. Le commerce doit encore être mis au service d’un processus de transformation allant dans le sens du développement humain en Afrique, comme cela s’est passé dans beaucoup d’autres pays en développement, et c’est à travers un lien positif avec le développement que les échanges peuvent jouer ce rôle central.
Le renforcement des capacités et la valorisation des ressources humaines sont une autre façon pour l’Afrique de renforcer sa compétitivité. Selon Africa Progress Panel, une initiative dirigée par Kofi Annan, ancien Secrétaire général de l’ONU, l’Afrique est tout près de récolter le dividende de son évolution démographique, puisque l’âge moyen sur le continent est actuellement de 18 ans. Au cours des dix dernières années, le nombre de jeunes Africains âgés de 15 à 24 ans est passé de 133 à 172 millions. D’ici à 2020, ce chiffre devrait s’élever à 246 millions. Cette explosion du nombre de jeunes pourrait avoir un grand retentissement sur la dynamique sociale actuelle – de manière soit positive soit négative – comme l’ont montré les récents soulèvements d’Afrique du Nord. Il est nécessaire d’investir dans le développement des compétences et dans la formation technique et professionnelle, ainsi que dans l’enseignement supérieur, pour transformer cette ressource naturelle en un bénéfice pour l’ensemble du continent.
Nous ne devrions pas non plus perdre de vue les avantages de l’industrialisation axée sur les matières premières, ou les avantages qu’il y a à améliorer la performance du secteur agricole, qui emploie encore une majorité d’Africains. À cet égard, les gouvernements sont appelés jouer un plus grand rôle en réglementant comme il convient la production et en mettant en place la meilleure combinaison de politiques commerciales et industrielles susceptible de soutenir les industries manufacturières locales qui fournissent des emplois et créent des emplois.
Contraintes sociales et environnementales
En outre, les dirigeants africains doivent mettre en œuvre des politiques qui garantissent l’accès au capital, à la technologie et à la main-d’œuvre. Des mesures doivent être mises en place qui créent l’équité dans les négociations commerciales mondiales et assurent des échanges et des régimes tarifaires d’importation équitables pour les secteurs en croissance du continent. Jusqu'à 90 % du revenu total tiré du café africain, calculé sur la base du prix moyen au détail d'une livre de café torréfié et moulu, va aux pays consommateurs. On voit bien le bénéfice que pourraient faire les pays africains s'ils généraient eux-mêmes la plus-value. Il faut aussi garantir à l’industrie un approvisionnement énergétique régulier, financièrement abordable et fiable. Et des normes minimales de durabilité doivent être respectées dans l’exploration des ressources naturelles et minérales.
Quelles options durables sont disponibles ?
Le secteur minéral africain a bénéficié du boom des matières premières de ces dernières années mais, malheureusement, cela ne s’est pas traduit par un plus grand retour sur investissement pour les pays africains. Il faut une vision claire de l’utilisation et de la gestion inclusives des ressources pour le développement et la transformation de l’Afrique. En ce qui concerne le cadre institutionnel de développement durable défini à Rio, l’Afrique doit faire un meilleur usage de ses ressources naturelles et, dans le même temps, faire en sorte que le bénéfice qui en est tiré soit transmis aux générations futures. La Vision africaine des mines approuvée par chefs d’État africains en 2009 vise à faire exactement cela dans un cadre qui intègre le triple objectif de durabilité économique, sociale et environnementale.
La possibilité d’investir simultanément dans les infrastructures et le secteur minier, par exemple en établissant des couloirs de développement axés sur les ressources naturelles, représente une approche pragmatique susceptible non seulement de débloquer les projets miniers et infrastructurels, mais aussi d’autres perspectives économiques et sociales collatérales, au-delà des frontières nationales. Ce concept a porté ses fruits au Botswana, qui a su appliquer une politique de valorisation, et en Afrique du Sud, qui a su user des politiques minières pour établir des liens en amont dans l’économie nationale, tout en veillant à la dimension de développement durable et équitable. De nombreuses possibilités existent aussi pour ce qui est de faire croître l’économie verte ; ainsi, plusieurs initiatives sont en cours aux niveaux régional et national, qui visent à atténuer les impacts négatifs du changement climatique. En outre, on s’emploie à élaborer des stratégies sous-régionales de croissance économique à faible émission de carbone. Ces efforts pourraient, à leur terme, aider le continent à faire des pas de géant vers des solutions énergétiques durables.
Mieux commercer
Pendant de nombreuses années, l’Afrique n’a eu aucune influence sur les marchés, et donc sur les prix, dans les échanges mondiaux. L’occasion se présente pour elle de renverser les rôles. Les nouvelles perspectives qui s’offrent en matière de coopération Sud-Sud, notamment du fait de la zone continentale de libre-échange proposée et des échanges intra-africains qui s’ensuivront, vont briser le monopole détenu par les pays développés, fournir une conjoncture plus favorable à l’élaboration des politiques de l’Afrique et un plus grand choix de partenaires commerciaux. Il convient de travailler aux éléments fondamentaux de l’élaboration des politiques, des infrastructures, du financement et des liens entre le commerce et les autres secteurs de l’économie pour faire de ces perspectives une réalité durable.
Déjà publié dans Magazine International Trade Forum http://www.tradeforum.org/article/can-trade-make-a-difference-in-Africa/