Rabat, 13 novembre 2014 (CEA) - L’intégration des pays en développement (PED) dans le commerce mondial se fait de plus en plus au travers de leur participation aux chaines de valeurs globales (CVG). Cependant l’accès à ces CVG implique de nombreux pré-requis, notamment en matière de logistique et d’environnement institutionnel et légal, qui nécessitent des investissements importants aussi bien au niveau humain que financier et des politiques publiques actives en la matière. De plus, même lorsqu’ils sont intégrés dans les CVG, de nombreux PED restent cantonnés dans les parties à faible valeur ajoutée de ces CVG, du fait des contraintes techniques mais aussi en raison de leur non participation aux dimensions décisionnelles et stratégiques des répartitions des productions au travers des CVG. L’exemple de la filière textile dans certains pays d’Afrique du Nord en est une très bonne illustration. Un moyen de surmonter cette double contrainte pour les pays d’Afrique du Nord est de développer de manière coopérative des chaines de valeurs régionales (CVR) qui permettront de créer de nouveaux avantages comparatifs dynamiques et de mieux surmonter les contraintes intrinsèques des CVG et d’accélérer la diversification stratégique et la sophistication de leur économie.
En effet, jusqu’aux années 2000, les pays d’Afrique du Nord n’ont pas mis en place des stratégies conséquentes pour organiser et planifier une diversification qui est restée de manière générale le résultat des efforts du secteur privé qui a porté sur les activités intensives en travail. En effet, peu de pays ont accompagné ces efforts de diversification par des politiques publiques actives notamment dans le domaine du financement, de la recherche, de l’accès aux marchés extérieurs ou de l’intégration des chaines de valeur globales. Par ailleurs, l’avantage compétitif des pays d’Afrique du Nord en matière de coût et de main d’œuvre s’est progressivement érodé avec les mutations sociales et le renforcement du rôle des classes moyennes se traduisant par une hausse du coût de la main d’œuvre. Cet avantage compétitif s’est également affaibli du fait de la libéralisation des échanges internationaux suite à l’avènement de l’OMC et le déplacement progressif du centre de gravité de l’économie mondiale de l’Europe vers l’Asie de l’Est
Dans les années 2000, les pays de l'Afrique du Nord, sensibles à l'importance de l'industrialisation pour le développement de leurs sociétés, se sont inscrits dans des processus de modernisation industrielle avec différents niveaux. Plusieurs pays de la région ont développé des instruments de politiques qui incluent l'élaboration de stratégies industrielles multisectorielles à moyen et long terme, ainsi que l'établissement de Zones Economiques Spéciales. Les différentes stratégies nationales ont eu pour objectif d’inscrire les pays de la région dans les processus de production industrielle mondiale et de profiter des chaines de valeurs internationales.
Cependant, cette approche essentiellement nationale reste contrainte par la taille des économies de la région et par leur faible capacité à intégrer les segments les plus profitables des CVG. Elle ignore également la dimension territoriale du développement et n’exploite que faiblement les potentiels qui existent au travers d’une approche intégrée du développement dans l’espace nord africain.
En effet, le faible niveau d’intégration commerciale de l’Afrique du Nord, couplé au développement relativement conséquent de ses infrastructures, laisse présager un potentiel important de développement de CVR.
Dès lors, il est nécessaire de mieux sérier les différents aspects de la problématique des CVR en Afrique du Nord afin d’établir une stratégie concrète pour le développement de CVR en Afrique du Nord et également entre l’Afrique du Nord et l’Afrique de l’Ouest, voisin immédiat de la sous-région. De nombreux enseignements pourraient être exploités à partir d’autres expériences régionales, sur le continent ou ailleurs dans le monde.
Un diagnostic clair a été élaboré par la CEA à ce sujet :
- l’industrialisation est centrale pour engendrer une transformation structurelle effective en Afrique du Nord ;
- les pays de la région ne participent que faiblement au commerce mondial, qu’ils connaissent un déficit structurel croissant expliqué en grande partie par la faiblesse de la diversification de leur appareil productif et qu’ils font face à de nombreux défis nécessitant une croissance plus forte, durable et inclusive ;
- la participation des pays au commerce mondial se fait de plus en plus au travers de leur participation aux chaines de valeurs globales (CVG) et que l’accès à ces CVG implique de nombreux pré-requis, notamment en matière de logistique et d’environnement institutionnel et légal, qui nécessitent des investissements importants aussi bien au niveau humain que financier et des politiques publiques actives en la matière ;
- la part des échanges régionaux ne représente que 4.8% des échangent globaux de l’Afrique du Nord et que la part des produits manufacturés dans ces échanges a tendance à baisser ;
- le développement de chaines de valeurs régionales et l’augmentation des échanges intra-régionaux peut être un levier important pour répondre à ces défis en :
- Accélérant la diversification et la sophistication des économies ;
- Favorisant la création de nouveaux avantages comparatifs dynamiques ;
- Facilitant la participation aux CVG dans des segments à plus forte valeur ajoutée
En réunissant des experts autour de deux événements sur ce thème (réunion d’experts 19-20 novembre et colloque académique 20-22 novembre) le bureau Afrique du Nord de la CEA vise à approfondir la réflexion et favoriser la génération de savoir afin :
D’Identifier les secteurs porteurs en matière de CVR en procédant à un « mapping » des atouts et avantages comparatifs de chaque pays de la sous-region et en identifiant les leviers à actionner et les contraintes à surmonter afin d’enclencher une coopération régionale effective ;
D’adopter une approche systématique qui établisse des priorités entre les différentes chaines de valeurs, identifie les différents acteurs et leurs liens et interactions ; analyse les capacités technologiques et performances économiques et formule une stratégie de mise à niveau des chaines sélectionnés tout en considérant les aspects réglementaires et institutionnels ;
De développer les partenariats entre la CEA et d’autres organisations internationales et régionales afin d’améliorer la disponibilité de l’information statistique et de permettre la coordination des efforts menés en terme de création et de gestion de savoir et de conceptualisation de programmes/projets.
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