Entre 2000 et 2009, 11 pays africains ont connu une croissance annuelle de 7 % ou plus, ce qui est jugé suffisant pour doubler la taille de leurs économies en dix ans. Le PIB cumulé de l’Afrique s’élève à plus de 2 000 milliards de dollars aujourd’hui, soit à peu près l’équivalent des PIB du Brésil ou de la Russie, et un chiffre supérieur à celui de l’Inde. Sur le front économique, l’Afrique est désormais considérée comme un marché frontière dynamique et un pôle de croissance émergent.
Les indicateurs sociaux et politiques se sont également améliorés, avec des réussites notables au niveau du taux de scolarisation dans le primaire et de la parité des sexes. Le taux de prévalence du VIH/sida et de mortalité maternelle ont eux aussi enregistré une baisse. Cependant, le chômage reste élevé, particulièrement chez les jeunes, les succès observés dans la lutte contre le VIH/sida et le paludisme ont eu pour moteur l’accès à des fonds verticaux, près de la moitié de la population est considérée comme pauvre et le progrès de l’Afrique concernant les OMD laisse à désirer.
Il ne fait aucun doute que les partenariats mondiaux peuvent donner l’impulsion nécessaire pour relever les défis majeurs que pose le développement socio-économique en Afrique. L’Inde est passée du statut d’un des principaux bénéficiaires d’aide extérieure au milieu des années 1980 à celui de pays donateur net, l’aide extérieure représentant moins de 0,3 % de son PIB. Elle est maintenant membre du G-20 et des BRICS. La réussite du développement de l’Inde figure parmi les plus spectaculaires des 50 dernières années. Le pays a mené une révolution agricole qui l’a hissé au rang d’exportateur net de produits alimentaires et lui a permis de doubler son espérance de vie et de diviser son taux de pauvreté par deux.
Les partenariats mondiaux peuvent donc fonctionner pour l’Afrique, dès lors qu’ils sont en accord avec la vision stratégique du continent et qu’ils sont soutenus d’une même voix par tous les pays. Les résultats mitigés enregistrés pour le huitième objectif du Millénaire pour le développement (OMD 8) d’une part, et l’ambition de l’Afrique de promouvoir une croissance soutenue et transformative d’autre part, exigent que nous repensions complètement les partenariats mondiaux. La fin imminente de l’ère des OMD nous offre l’occasion de rénover les partenariats mondiaux dans un sens qui soit mutuellement bénéfique et durable.
La structure actuelle du commerce mondial ne sert pas les intérêts de l’Afrique. À l’aube de l’adoption d’un nouvel ensemble d’objectifs de développement, la contribution de l’Afrique au commerce mondial, largement inchangée depuis 2000, demeure marginale, à environ 3 %, et continue d’être principalement des matières premières.
Les efforts entrepris pour accroître la part du continent dans le commerce mondial grâce à l’Aide pour le commerce et des initiatives d’accès préférentiels aux marchés ont produit des résultats mitigés. Bien que les engagements au titre de l’Aide pour le commerce aient augmenté ces dernières années, les décaissements ne sont pas à la hauteur des engagements pris. De plus, la part des importations des pays développés en provenance d’Afrique (admises en franchise de droits) stagne. Ces tendances sont regrettables puisque le commerce constitue un important mécanisme de promotion de croissance économique et de création d’emplois durables dans les pays en développement.
Cela dit, nous devons garder à l’esprit l’hétérogénéité qui caractérise les pays africains, qui incluent des pays les moins avancés (PMA), des pays en développement sans littoral (PDSL) et des petits États insulaires en développement (PEID). Les besoins spécifiques de ces pays, tels que reconnus par la Déclaration du Millénaire, doivent être pris en compte dans le nouveau cadre de partenariat mondial, qui devrait offrir davantage de possibilités de financement pour les pays les plus vulnérables.
Quelles pourraient être quelques caractéristiques souhaitables du nouveau cadre de partenariat mondial ?
Les partenariats mondiaux restent essentiels pour s’attaquer à des problèmes mondiaux tels que le changement climatique, les conflits et l’insécurité, l’instabilité financière, les mouvements illicites de capitaux ou les risques sanitaires.
Un nouveau partenariat mondial doit être mutuellement bénéfique, promouvoir l’autonomie des États africains, notamment par le soutien à l’amélioration des compétences, au développement technologique et à l’industrialisation, ainsi que répondre aux priorités du développement en Afrique. Si ces priorités sont spécifiques à chaque pays, le changement structurel et le développement des capacités nécessaires sont deux domaines qui concernent la plupart des pays africains. Ce nouveau partenariat mondial doit éviter de reproduire la logique donateur-bénéficiaire à l’œuvre dans l’OMD 8 relatif aux partenariats mondiaux, mais promouvoir le commerce équitable, les investissements directs à l’étranger et établir une coopération avec le secteur privé local.
En parallèle, l’Afrique doit davantage s’approprier son programme de développement. Il faudra pour cela que les pays entreprennent une évaluation critique de leur potentiel en matière de ressources nationales et élaborent des stratégies de mobilisation des ressources visant à maximiser ce potentiel. La mobilisation des ressources nationales ne concerne pas seulement la recherche de fonds; il s’agit également de rétablir l’obligation de l’État de rendre des comptes à sa population, et de l’inverser dans la relation entre l’État et les partenaires du développement, afin que ces derniers soient responsables devant l’État. Une telle obligation exigera des cadres de suivi et d’évaluation bien conçus, ainsi que l’établissement de données de référence fiables à compter de 2015. C’est pourquoi les systèmes publics de statistiques et les autres systèmes d’information nécessitent une attention et un soutien spécifiques.
Le nouveau cadre doit également prendre en compte la situation initiale de chaque pays. Cela a son importance puisque la performance devrait être évaluée à l’aune du chemin parcouru depuis le point de départ. Nous ne pouvons reproduire l’erreur méthodologique consistant à demander à tous les pays le même effort pour atteindre un objectif universel, comme si tous se trouvaient sur la même ligne de départ. Dans cette optique, le cadre devrait inclure, entre autres caractéristiques indispensables, l’obligation mutuelle de rendre des comptes, des mécanismes de mise en œuvre, ainsi que des mécanismes qui promeuvent le respect par les entreprises multinationales des règles et normes internationales.
Enfin, le futur partenariat mondial devra intégrer de nouveaux types d’acteurs tels que le secteur privé, les parlementaires, la société civile, les fondations privées, les femmes et les jeunes. En particulier, dans le continent le plus jeune du monde, la voix des jeunes doit être entendue.
Alors que nous abordons une période de transition vers le prochain programme de développement, nous devons être unis dans notre volonté de négocier un partenariat mondial et une architecture financière qui respectent les priorités de développement de l’Afrique, qui favorisent les intérêts mutuels des pays développés et des pays en développement et qui demandent à toutes les parties de rendre compte de leurs actes de façon crédible. Faute de quoi nous manquerions à notre devoir de responsables d’institutions, de communautés et de pays.
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