L’impact des activités illicites sur la paix et la sécurité
Depuis le début des années 90, la plupart des pays africains ont connu des transitions démocratiques diverses. Presque toutes ces transitions ont du faire face aux problèmes complexes et difficiles de la gestion de la diversité sous toutes ses formes : répartition du pouvoir et caractéristiques des structures politiques; questions d’ethnicité et de religion; définition de la citoyenneté ; ou droits et préoccupations des groupes marginalisés.
Dans les cas où les gouvernements ont réformé les institutions ou mis en place des politiques et des lois pour mieux gérer la diversité, des conflits non résolus persistent. La consolidation des transitions démocratiques exigent, comme conditions centrales, d’analyser et de traiter les problèmes liés à la qualité des élections, de promouvoir la diversité dans les constitutions, de comprendre jusqu’où il convient d’intégrer la diversité dans l'espace public et les institutions, ainsi que d'assurer la capacité de médiation de l'État et son aptitude à s'élever au-dessus des intérêts sectaires.
Des élections marquées par des conflits dans de nombreux pays montrent que certains pays africains ont encore du chemin à faire dans la gestion de la diversité et qu’il est important d'améliorer les processus électoraux pour favoriser des scrutins justes, inclusifs et démocratiques. Cependant, la pire des erreurs est de croire que les élections constituent une solution miracle aux problèmes de la cohésion nationale. Souvent, l’idée naïve qu’il suffit de demander un vote pour résoudre tous les problèmes a contribué à exacerber des positions tranchées et provoqué des tensions politiques clivées. L'absence de mesures pour accompagner la cohésion sociale peut avoir un effet pervers sur toute volonté déclarée d’inclusion.
Dans nombre de pays africains, l’insécurité humaine peut certes être liée à la mauvaise gouvernance et à un déficit démocratique. Quand elle fournit les moyens de résoudre les conflits, en assurant la bonne prise en considération de tous les points de vue, la démocratie joue un rôle stabilisateur. La façon de mettre en œuvre ce processus est, cependant, importante. Comme dans toute construction sociale, un schéma simplifié n'est pas la réponse adéquate. Les groupes doivent avoir le sentiment que leurs droits sont protégés et que leurs intérêts économiques peuvent être réalisés, de sorte qu'ils ne recourent pas au conflit pour affirmer ou faire valoir une revendication à l’autodétermination.
Les flux financiers étrangers
Des données montrent que l'Afrique est en train de perdre d'importantes ressources à travers les flux financiers illicites. Les estimations annuelles varient de 20 milliards de dollars avant 2000 à 50 milliards de dollars dans la dernière décennie. De toute évidence, le caractère occulte de ces flux a un impact dévastateur sur les recettes fiscales et la capacité budgétaire. Le continent est privé d'énormes ressources financières dont il en a besoin pour stimuler l'investissement en infrastructures et en prestation de services. Cette situation, compromet la capacité de l'État à mettre en place des programmes de développement socioéconomiques qui favorisent la redistribution des richesses nationales. Réglementer les sorties illicites de ces sommes phénoménales sont devenues l'un des principaux défis pour la transformation structurelle.
Étant donné que les flux financiers illicites sont volontairement soustraits au contrôle et aux statistiques des autorités financières des pays, leurs incidences sont sous-estimées à maints égards, notamment en ce qui concerne la paix et la sécurité. Il existe de fait un lien étroit entre les flux financiers illicites et les conflits. Tous les flux financiers illicites sont associés soit à un mauvais fonctionnement de l'État ou à l'utilisation illégitime de l'autorité l'État. Ils présentent une menace pour la gouvernance, en sapant les institutions politiques et la confiance dans ces institutions. Ils affaiblissent les garanties lorsque des tensions apparaissent. De même, les conflits affaiblissent la résistance des systèmes institutionnels et des systèmes de gouvernance destinés à lutter contre les inégalités ou la corruption, ce qui décourage les investissements à long terme au profit d’activités de maximisation des rentes à court terme.
La nature changeante des conflits
Près de la moitié des pays africains ont connu, au cours de la période d'après l'indépendance, des degrés et des formes variées de conflits violents, alimentés par la géopolitique de la guerre froide. On dénombre, entre autres, guerres civiles, insurrections armées, coups d’Étrat, rébellions régionales et troubles sociaux, dont la plupart ont eu de grandes répercussions nationales et internationales. Les guerres civiles en Éthiopie, au Soudan et au Congo (Zaïre), par exemple, ont confronté les autorités centrales de ces pays à des défis majeurs. Des mouvements séparatistes ont ébranlé l'intégrité politique et territoriale de pays tels que l’Angola, les Comores, le Congo (Zaïre), le Mali, le Mozambique, le Nigéria, la Somalie et l’Ouganda.
Selon la base de données du Programme d'Uppsala sur les conflits (UCPD), il existe une baisse tendancielle des conflits et des guerres en Afrique, depuis les années 90, au cours desquelles le génocide au Rwanda, le conflit frontalier entre l'Éthiopie et l'Érythrée et les guerres civiles en Algérie, en Angola, au Tchad, au Congo, en Côte d’Ivoire, au Libéria et en Sierra Leone avaient provoqué des pertes massives en vie humaine. Aussi, d’après une étude conjointe RAIAL[1]/Oxfam/SafeWorld, menée entre 1990 et 2005, le coût des conflits en Afrique a atteint le montant impressionnant de 284 milliards de dollars, soit une moyenne de 18 milliards de dollars par an.
Depuis le début du siècle, à l'exception du massacre de Gatumba au Burundi en 2004, le conflit au Darfour et la guerre toujours vivace en Somalie, non seulement les conflits complexes ont diminué, mais la nature même de la guerre a évolué aussi. Les conflits ont maintenant, en général, diminué d’intensité et le nombre de décès qui leur sont liés a considérablement baissé. Ils présentent néanmoins des dimensions transfrontalières et sont de plus en plus financés par le commerce illicite, le banditisme et les réseaux terroristes internationaux.
Malgré les initiatives en cours des organisations continentales et internationales face aux conflits, l’espace politique et l'influence grandissantes de l'Afrique n'ont pas toujours été mises à profit pour les apaiser. La plupart des conflits internes en Afrique peuvent être attribués à des contestations sur la légitimité politique, l'identité nationale, le renforcement de l'État et de l’application de la justice, qui sont souvent interconnectées. En outre, le contrôle des ressources naturelles figure parmi leurs principales causes.
L'implication d’intérêts extérieurs a eu des conséquences graves pour la sécurité nationale et régionale. La pléthore d'initiatives existantes n’a pas nécessairement favorisé la recherche de la paix et de la sécurité. Il est vrai que certains conflits inextricables sont difficiles à résoudre, car ayant des causes sous-jacentes souvent profondément enracinées et complexes. Les stratégies de résolution des conflits qui ne tiennent pas compte de cette complexité resteront probablement inefficaces. Des victoires rapides se sont révélées trompeuses. Les guerres au Rwanda et en Somalie, ensemble avec le conflit en Bosnie, ont eu le mérite d'avoir contribué à la révision d'une doctrine vacillante de maintien de la paix. Il est moins sûr qu’ils aient fait reculer les autres formes de conflits qui persistent et démontrent que nous sommes confrontés à un nouveau moment de vérité.
Au cours de la dernière décennie, l’Afrique a commencé à récolter les dividendes de la paix. La baisse du nombre de conflits a favorisé la croissance et ouvert des horizons. Pour certains pays, la fin d’un conflit s’est traduite par l’accès à de nouvelles ressources, auparavant consacrées aux dépenses militaires, ce qui a contribué à stimuler l’activité économique.
Les préoccupations se reportent à présent sur la sécurité humaine, l’augmentation des conflits internes et de nouvelles menaces transnationales. La multiplication de l’insécurité au sein même des États fait ressortir de nouvelles tendances, telles que le radicalisme, le terrorisme, le trafic de drogue et la traite des êtres humains, tous assorties d’aspects transfrontaliers. Par exemple, les réseaux de Boko Haram, Al Qaeda au Maghreb et les Chabab. Le trafic de drogue explique la vitalité des groupes rebelles basés au Sahara. L’évolution de la situation militaire et politique en Libye a ouvert un espace pour la prolifération du trafic d’armes transfrontalier.
En dépit d’une relative stabilité sur la majeure partie du continent, ces tendances n’aident pas à débarrasser l’Afrique de la perception négative dont elle souffre depuis longtemps.
Par exemple, bien que nous connaissions les conflits qui déchirent l’Asie, nous les considérons généralement de manière isolée. Ainsi, nous sommes au fait de la rébellion de Mindanao aux Philippines, ou encore de l’insurrection d’Aceh en Indonésie, tandis qu’un conflit fait rage en Malaisie dans la province de Sabah, sans parler des affrontements le long de la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, et la liste n’est pas exhaustive. Même l’Inde, pays en plein essor, doit faire face à l’insurrection naxaliste et à la question du Cachemire, cependant que la Corée du Sud subit le voisinage d’un État frère belligérant. Les Rohingya du Myanmar sont l’un des nombreux groupes victimes de discrimination dans un pays en guerre avec ses minorités. Malgré ces conflits nombreux, la région n’est pas étiquetée comme instable, mais plutôt vue comme un moteur important de la croissance mondiale.
Il est vrai qu’en Afrique nous devons composer avec des conflits omniprésents tels que ceux qui touchent la région des Grands Lacs et la Somalie ; néanmoins, nous espérons que ce sont les dernières manifestations d’une réalité qui évolue. En d’autres termes, bien que le nombre de conflits en Afrique aille décroissant et soit actuellement comparable à la situation asiatique, le monde continue pour l’essentiel de voir en l’Afrique un continent affligé par les crises et un endroit risqué pour les investissements. Cela tient en grande partie au fait que la nature des conflits africains et leur exposition planétaire leur valent d’être perçus différemment.
Ces facteurs et d’autres font qu’il est plus difficile pour le continent d’attirer des investissements étrangers et de mobiliser durablement des ressources nationales dans des proportions adéquates. C’est comme si la spécificité de l’Afrique la rendait plus attractive pour les spéculateurs. Les vulnérabilités des États africains et l’ampleur croissante des flux illicites encouragent de plus en plus les activités criminelles.
Les facteurs internes et externes
Tous les conflits ne sont pas motivés ou causés seulement par des impératifs économiques. Dans certains pays, ils sont alimentés par l’exclusion politique ou sociale. Le génocide rwandais, par exemple, a découlé de l’aliénation et de l’exclusion dont souffraient les Tutsi depuis des décennies. En Ouganda, la rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur, emmenée par Kony, est née d’un sentiment de vengeance à caractère ethnique. La montée en puissance du MPLS[2] en 1983 a résulté de la marginalisation du Soudan du Sud.
Certains conflits sont déclenchés par une combinaison de facteurs. Le conflit en Somalie, par exemple, a été causé par la conjugaison de luttes de pouvoir internes et par la tension économique due au pillage du littoral national. Le conflit en République démocratique du Congo a mis aux prises sept nations voisines en quête d’influence et animées par des considérations géostratégiques.
En Afrique du Nord, la chute des Gouvernements tunisien, égyptien et libyen, qui a précipité d’autres conflits dans le monde arabe, témoigne de l’effet contagieux des troubles sociaux qui découlent des frustrations de la jeunesse. Le manque de possibilités d’emploi peut compromettre la cohésion sociale et la stabilité politique.
Les causes de conflit peuvent consister dans un mélange complexe de problèmes qui se posent aux différentes parties concernées. L’exagération des points de tension contribue à enraciner les conflits. Pour beaucoup, il devient intéressant de financer les belligérants dès lors que la logique du différend est de nature à produire des dividendes économiques.
Les flux financiers illicites et les faibles capacités des États entretiennent une relation symbiotique et tendent à s’alimenter mutuellement. Les cartels transnationaux opérant comme guerriers du net constituent une menace à la souveraineté des États. Au Mexique, les réseaux criminels influent sur le changement aux niveaux local et transnational en imposant une reconfiguration des structures de pouvoir. Les enclaves criminelles prolifèrent au Myanmar, en Afghanistan et en Colombie.
Il existe des réseaux qui entretiennent une chaîne de valeur mondiale à caractère criminel. Les moteurs – sur le plan tant de l’ampleur que de la demande – en sont internationaux. La lutte contre la criminalité organisée transfrontière appelle une réponse continentale et internationale. Nombre de pays d’Afrique victimes d’activités criminelles transnationales, comme la Guinée-Bissau ou le Mali, n’ont pas les moyens requis pour contrer les menées de ce genre. Il faut donc se concentrer collectivement sur les moteurs susceptibles d’établir des stratégies et des mécanismes de maintien de l’ordre et de la sécurité. Ces dernières doivent être régionales et nationales.
L’inflation des devises nationales causée par l’afflux de stupéfiants, les transactions frauduleuses, la sous-facturation des importations ou la contrebande pure et simple favorisent l’essor marqué de certains secteurs de l’économie, tels que le bâtiment ou l’immobilier. Les monnaies locales surévaluées ont d’autres effets dévastateurs sur l’économie, notamment en ce qu’elles découragent la production de produits d’exportation légaux en rendant l’importation moins coûteuse et en forçant ainsi les producteurs locaux à s’aligner sur des importations bon marché. Les flux illicites peuvent avoir les mêmes conséquences que ce que l’on appelle le « syndrome hollandais ». En fait, bien souvent, la richesse en ressources naturelles va de pair avec l’activité criminelle, renforçant l’incidence négative de l’effet dit du « syndrome hollandais » et faisant de ce fait obstacle à une réelle transformation économique et à la mise en œuvre de politiques socialement inclusives.
Les gangs, les terroristes et les criminels prospèrent dans un environnement où ils peuvent déplacer des actifs financiers dans des investissements profitables où ils dissimulent leurs fonds. Les opérations de blanchiment d’argent des groupes criminels organisés constituent une menace grave et croissante pour la paix et la sécurité. Les rançons obtenues par les pirates somaliens seraient apparemment blanchies par l’intermédiaire des exportations de khat ou des transactions immobilières dans les grandes villes voisines. Le trafic transsaharien d’armes à feu à destination des mouvements rebelles se mêlerait quant à lui à d’autres entreprises illicites, telles que la traite des êtres humains et le trafic de stupéfiants, qui trouvent le chemin vers les villas cossues et d’autres activités quasiment légitimes. Le commerce illégal d’ivoire est omniprésent dans de nombreuses parties de l’Afrique. En fait, les pays africains sont particulièrement exposés aux chaînes logistiques criminelles qui alimentent les conflits.
Par exemple, d’après l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC), les envois de cocaïne de l’Amérique latine vers l’Afrique de l’Ouest puis vers l’Europe s’élèveraient à quelque 1,25 milliard de dollars. Les mesures susceptibles de répondre à ces menaces paraissent très complexes. Une Commission ouest-africaine de lutte contre la drogue, présidée par l’ex-président Obasanjo, s’emploie à saisir toute la complexité de ces opérations.
Une mauvaise gouvernance économique
La récente flambée des cours enregistrée par les produits de base du continent a été une source importante de recettes publiques qui ont contribué à la croissance économique. Théoriquement, sa richesse en ressources naturelles devrait permettre à l'Afrique de faire fonctionner ses économies et de déterminer la qualité, le rythme et l'ampleur de ses transformations. Les ressources naturelles ont toujours été une des principales forces motrices de l’économie de notre continent, mais également un facteur à l’origine de certains de nos conflits les plus violents.
Les montants les plus élevés de flux financiers illicites ont été enregistrés dans les pays africains riches en ressources naturelles et minérales, principalement en pétrole, en métaux et minéraux précieux. Les cadres politiques et juridiques du secteur minier ont traditionnellement été conçus pour attirer l'investissement et mobiliser des ressources pour maximiser les rentes ou les dépenses non stratégiques plutôt que pour encourager la transformation. En outre, la part de la rente tirée des ressources par les pays africains a souvent été limitée du fait des concessions trop généreuses souvent accordées dans le cadre de la « course au moins-disant » pour attirer l’investissement minier, ainsi que des asymétries d'information qui caractérisent généralement le secteur minier. Par ailleurs, les choses ne se passent pas toujours comme prévu, au regard des évasions fiscales opérées via les prix des transferts et la manipulation des prix des échanges commerciaux. On estime qu'entre 1970 et 2008, les flux financiers illicites liés à la seule pratique de manipulation des prix des échanges commerciaux ont coûté au continent 854 milliards de dollars.
Les ressources perdues sur le continent africain sont une indication claire qu’aujourd’hui, plus que jamais, les gouvernements doivent respecter et mettre en œuvre les principes et procédures d'exploitation standards qui pourraient réduire le niveau des évasions fiscales commises par le biais des flux financiers illicites; ils ont également besoin de mieux négocier! Pour commencer, la mise en place de cellules de renseignement financier pour réduire, suivre et rapatrier les flux financiers illicites sera cruciale pour faire en sorte que les ressources perdues soient identifiées et finalement récupérées. La mise en œuvre des directives de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE) permettra d’assurer la transparence des négociations entre les entreprises opérant dans l'industrie extractive et les gouvernements. Des cadres, tels que le processus de Kimberley, permettront d’éviter que les diamants ne soient commercialisés illégalement, et les initiatives du genre « Publiez ce que vous payez » contribueront à instaurer plus de transparence dans l'industrie. Le syndrome des diamants du sang existe encore; il en est d’ailleurs de même avec le coltan ou l’exploitation forestière.
En dépit de la lenteur caractérisant la reprise au plan mondial, les pays africains continuent d'enregistrer une croissance économique remarquable. Toutefois, cette croissance est inégale et aurait pu être également plus élevée si les montants importants des flux financiers illicites sortant de l’Afrique avaient été investis sur le continent.
Bien que l'abondance des ressources naturelles soit considérée comme la solution idéale pour lutter contre la pauvreté et stimuler la croissance économique, le cadre des affaires dans nombre de pays africains crée une situation propice aux transferts illicites de fonds de la part des multinationales, y compris des entreprises locales, vers des paradis fiscaux à l’étranger, sans guère de conséquences pour elles. Lorsque des revenus sur lesquels des impôts doivent être payés à l’État sont illicitement détournés vers d'autres sources à l'étranger, ce sont les programmes de protection sociale et de bien-être social qui en souffrent. Le chômage et le manque de possibilités d’emploi conduisent souvent les jeunes, dont le nombre va sans cesse croissant, à rechercher d’autres moyens de survie, notamment des activités criminelles.
L’amélioration de la gouvernance et de la classe dirigeante s’avère essentielle pour faire face à ces constats importants. Nous devons réévaluer notre gouvernance afin de déterminer si oui ou non nous sommes suffisamment équipés pour assurer la stabilité, tout en étant suffisamment souples pour répondre à la variété des problèmes relatifs aux flux financiers illicites. Fait intéressant, la promotion de l'État propice au développement offre à la fois des possibilités et présente des limites dans la poursuite de ces objectifs. Un État propice au développement facilite la cohérence et assure une meilleure allocation des ressources. Cependant, il a également les moyens de limiter la contestation si des formes organiques appropriées d'inclusion ne sont pas prises en compte, comme nous l’apprend l'Asie.
Pour un État propice au développement, il est impératif de s’attaquer aux flux financiers illicites et de renforcer les institutions de réglementation et de gouvernance. Toutefois, une approche plus efficace s’avère nécessaire pour traiter les causes profondes du phénomène. Des visions et des stratégies de développement à long terme peuvent promouvoir une meilleure gestion des ressources et moins de corruption. Elles réussiront en assurant la cohésion sociale et le respect de la diversité. Cela dit, les efforts nationaux seuls ne suffiront pas. Étant donné les facteurs transnationaux des flux illicites et des conflits, il est nécessaire de veiller à la paix et à la sécurité dans la région. Un pacte régional global pour la sécurité pourrait unir les pays africains autour de leurs intérêts communs en matière de sécurité et de développement. Un tel pacte qualifierait ou disqualifierait tout acteur qui se conforme ou ne se conforme pas à l’impératif collectif.Un programme d’inspiration africaine, conçu et mis en œuvre par les Africains, assimilable au principe de solutions africaines aux problèmes africains, est un bon départ. L'Afrique a déjà pris des engagements fermes concernant sa sécurité et son architecture de la paix afin de réaliser l'objectif déclaré de faire taire les armes d’ici à 2020. Le moment d'agir, c'est maintenant!
Le présent article est inspiré de l’allocution que j’ai prononcée à l’occasion du Forum de Tana, tenu à Bahir Dar (Éthiopie), le 26 avril 2014. Il ne reflète nullement les vues officielles de l’ONU ou de la CEA et doit être considéré comme mon opinion personnelle