Déclaration ministérielle

1. Nous, ministres africains des finances, de la planification et du développement économique, réunis à Ouagadougou, les 14 et 15 mai 2006, sous les auspices de la Commission économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA), réaffirmons l'importance cruciale de l'emploi pour la réduction de la pauvreté et le développement.

2. Nous prenons note des engagements pris lors du Sommet extraordinaire des Chefs d'État et de gouvernement de l'Union africaine tenu en 2004 sur l'emploi et la réduction de la pauvreté en Afrique tels qu'énoncés dans la Déclaration et le Plan d'action de Ouagadougou.

3. Nous rappelons que la Déclaration ministérielle de la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique tenue à Abuja en 2005 avait souligné la nécessité «d'élaborer des stratégies pour créer des emplois productifs et décents destinés aux hommes, aux femmes et aux jeunes d'Afrique, ainsi que de traiter expressément les questions de création d'emplois dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté.»

4. Nous prenons note du premier rapport biennal de l'Union africaine sur les conclusions de Ouagadougou (2006), qui dresse le bilan des progrès réalisés dans l'application des recommandations du Plan d'action de Ouagadougou et nous sommes préoccupés de constater que, jusqu'à présent, l'application n'a pas été générale; que l'emploi n'a pas été suffisamment intégré dans les stratégies nationales de développement; et que la coordination sous-régionale et régionale n'a pas été suffisante en raison de contraintes humaines, budgétaires et institutionnelles. Surtout, nous reconnaissons la nécessité d'affiner et d'accélérer les stratégies de mise en œuvre à tous les niveaux.

5. Nous prenons également note des résultats de la Réunion plénière africaine sur les Stratégies nationales de réduction de la pauvreté et la réalisation des Objectifs du Millénaire pour le développement tenue en mars 2006 ainsi que de la Déclaration sur le financement de l'emploi et de la réduction de la pauvreté en Afrique adoptée en avril 2006 à la quatrième session ordinaire de la Commission du travail et des affaires sociales de l'Union africaines, les deux réunions s'étant tenues au Caire.

6. Reconnaissant la diversité des conditions économiques, sociales et politiques en Afrique, nous soulignons la nécessité de concevoir des politiques et des programmes spécifiques à chaque pays et conformes au priorités nationales, en prêtant une attention particulière aux besoins spécifiques des économies des pays en proie à des conflits, des pays sortant de conflits et des pays les moins avancés.

7. Nous réaffirmons notre engagement en faveur de l'intégration régionale, que nous considérons comme un important facteur de développement économique et de création d'emplois, comme le soulignent le Traité d'Abuja de 1991 portant création de la Communauté économique africaine et le Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD, 2001).

8. Tout en étant satisfaits de la forte croissance d'ensemble du continent, nous reconnaissons que des efforts supplémentaires sont nécessaires pour que la majorité des Africains bénéficient de l'amélioration des conditions macroéconomiques. Nous notons en particulier la nécessité de mettre à profit la croissance économique pour offrir davantage d'emplois décents à nos peuples, réduire le nombre de travailleurs pauvres, maximiser le potentiel de notre main-d'œuvre et éliminer les obstacles à l'entrée des femmes et des jeunes sur le marché du travail.

9. Compte tenu de ces considérations, nous faisons les recommandations suivantes:

Intégration de l'emploi dans les stratégies et politiques nationales de développement

10. Nous sommes fermement convaincus que la création d'emplois décents en Afrique, passe par l'intégration de l'emploi dans le programme de développement. Nous nous engageons donc expressément à faire figurer des objectifs en matière d'emploi dans les stratégies et politiques nationales de développement.

11. Étant donné l'importance que revêtent les stratégies de réduction de la pauvreté (SRP) en tant que cadre pour l'allocation des ressources budgétaires nationales et l'aide publique au développement, nous reconnaissons la nécessité d'aligner les divers processus en vue de la réalisation des objectifs économiques et sociaux dans nos pays, en particulier les OMD. Nous notons également la nécessité de considérer l'emploi décent comme un objectif lors de la conception, de la mise en œuvre et du suivi des SRP de deuxième génération.

12. Pour accélérer la création d'emplois, nous nous engageons à incorporer davantage les critères d'emploi dans les politiques de promotion des investissements.

13. À l'appui de ce qui précède, nous nous engageons à intensifier nos efforts visant à mobiliser les ressources nationales et nous invitons nos partenaires de développement à honorer leurs engagements concernant l'aide aux pays africains. Nous les prions aussi instamment de mettre pleinement en œuvre et d'étendre l'initiative prise en 2005 par le G-8 concernant l'allégement de la dette multilatérale.

14. Reconnaissant le rôle critique de l'État et du secteur public en ce qui concerne la création d'emplois, nous nous engageons à améliorer la qualité de la gestion des finances publiques, tout en développant des systèmes d'information statistique précis pour suivre l'impact des politiques.

Répondre aux besoins spécifiques des pays sortant de conflits

15. Reconnaissant la situation particulièrement fragile des pays africains sortant de conflits, nous demandons à la CEA, en collaboration étroite avec l'Union africaine et la BAD, de lancer avec les acteurs concernés une initiative de renforcement des capacités techniques visant à appuyer la création d'emplois et à rétablir des systèmes de gestion du développement économique. À cet égard, nous demandons à tous les partenaires de donner aux sociétés sortant de conflits l'opportunité d'accéder aux ressources nécessaires pour des activités critiques de redressement et de reconstruction.

Libérer le potentiel du secteur privé

16. Reconnaissant le rôle et la responsabilité accrus du secteur privé en matière de création d'emplois, et le rôle central de l'État dans la création d'un environnement propice, nous nous engageons à prendre des mesures pour améliorer le fonctionnement du secteur privé : amélioration des infrastructures, suppression des réglementations inutiles et coûteuses, accès au crédit à des conditions abordables, augmentation de l'investissement dans la recherche-développement. Le cas échéant, nous envisagerons des partenariats public-privé, en particulier dans les domaines de la santé, de l'éducation et de la formation professionnelle.

17. Pour stimuler la transformation structurelle et la diversification, nous comptons : adopter des politiques macro et microéconomiques axées sur la croissance ; identifier et promouvoir les secteurs à forte intensité de main-d'œuvre ; renforcer la mobilité de la main-d'œuvre concurremment avec la réallocation des investissements ; exploiter les TIC comme instrument de renforcement de la productivité et adopter une approche intégrée du développement rural faisant intervenir les secteurs agricole et non agricoles.

Exploiter l'intégration régionale et la mondialisation

18. Nous reconnaissons que le renforcement de l'intégration régionale peut stimuler la création d'emplois. C'est pourquoi nous encourageons les pays africains à ratifier les protocoles bilatéraux et régionaux sur la libre circulation transfrontières des personnes et des biens. Pour accélérer ce processus, nous appuyons vigoureusement l'étude menée actuellement par la CEA et l'Union africaine sur la rationalisation des communautés économiques régionales (CER) et nous nous engageons à renforcer leurs secrétariats et leurs programmes.

19. En ce qui concerne les défis mondiaux et leurs incidences sur l'emploi, nous prenons note du cadre de l'Union africaine sur les politiques migratoires et de la position africaine commune sur les migrations internationales. Nous nous engageons donc à donner forme à l'initiative du Secrétaire général de l'ONU sur les migrations internationales et nous invitons l'Organisation internationale du travail (OIT), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) et d'autres entités régionales à aider les États membres sur ce plan.

20. Nous exhortons également nos partenaires de développement à donner des chances égales aux pays africains dans les relations commerciales, notamment en supprimant les contraintes imposées par les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) et par les mesures concernant les investissements et liées au commerce (MIC).

Cibler les groupes défavorisés de la société

21. Pour accroître les possibilités d'emploi, en particulier pour les femmes, les jeunes, les handicapés, les personnes déplacées à l'intérieur de leur pays, les réfugiés et les rapatriés, nous reconnaissons qu'il faut intégrer leurs besoins particuliers dans les politiques de création d'emplois et de développement, notamment par le microcrédit, la micro-assurance, la promotion du développement du secteur informel et la formation.

22. Outre qu'ils constituent un filet de sécurité, les programmes de travaux publics permettent d'aider les groupes défavorisés tels que les jeunes femmes et hommes des zones rurales à accéder au marché du travail. Par conséquent, nous encourageons le recours à ces programmes pour créer des emplois, en particulier pour les pays qui sortent d'un conflit, dans des domaines tels que l'assainissement urbain, le reboisement et la protection des sols en milieu rural ainsi que la construction et l'entretien des routes.

Renforcement des capacités humaines et institutionnelles

23. Nous reconnaissons que l'éducation et la formation sont essentielles pour pouvoir créer des emplois décents. Nous encourageons l'adoption d'un programme intégré de mise en valeur des ressources humaines, ce qui suppose également une approche régionale qui permette d'harmoniser les politiques en matière d'éducation; d'élaborer des programmes d'études et de donner accès aux ressources numériques à l'échelon régional.

24. Nous reconnaissons que la faiblesse des capacités institutionnelles et le manque de statistiques fiables empêchent les pays de formuler des politiques d'emploi judicieuses et efficaces et de suivre les progrès accomplis en matière de création d'emplois. Nous reconnaissons également que pour pouvoir rendre des comptes, il faut avoir des données exactes et actuelles et que ce problème est directement lié au manque de ressources humaines et financières. En conséquence, nous nous engageons à consacrer davantage de ressources pour renforcer les capacités de formuler, mettre en œuvre et suivre les politiques d'emploi. Nous invitons, à cet égard, nos partenaires de développement à s'associer à nos efforts. Nous nous engageons fermement à renforcer les bureaux nationaux de statistique et à procéder aux réformes législatives nécessaires pour qu'ils puissent élaborer, en temps utile, des statistiques fiables et sexuées. Outre des recensements réguliers, nous recommandons aux États membres d'effectuer d'autres enquêtes statistiques novatrices et peu coûteuses pour mieux comprendre la situation du marché de l'emploi et les incidences des dépenses publiques et des politiques gouvernementales.

25. Nous décidons également d'engager les ressources nécessaires afin d'aider les institutions africaines menant des activités de renforcement des capacités, telles que l'Institut africain de développement économique et de planification. En outre, nous nous félicitons de l'assistance en matière de renforcement des capacités que nous fournissent actuellement nos partenaires de développement.

Renforcement de la coopération en vue de la création d'emplois

26. Nous notons également avec satisfaction que le prochain débat de haut niveau du Conseil économique et social, qui se tiendra à Genève du 3 au 5 juillet 2006, sera consacré au thème suivant «Instauration aux niveaux national et international d'un environnement propice au plein emploi, à la création d'emplois productifs et à un travail décent pour tous, et son incidence sur le développement durable» et nous nous engageons à établir un partenariat africain solide, à appuyer le débat qui se tiendra prochainement et à promouvoir un partenariat international.

27. Nous sommes particulièrement satisfaits de constater l'engagement de la CEA à œuvrer en partenariat avec l'Union africaine et le NEPAD, la Banque africaine de développement, l'Organisation internationale du travail (OIT), les communautés économiques régionales et d'autres acteurs clefs, pour promouvoir des stratégies de création d'emplois en Afrique. En particulier, nous recommandons que la CEA mette en place, en collaboration avec l'OIT et les institutions régionales africaines, un forum régional pour l'emploi rassemblant des experts techniques et politiques pour aider les États membres à renforcer leurs capacités et pour faciliter l'apprentissage et le partage des expériences entre les pays. À cet égard, nous demandons également à la CEA de prendre la direction du développement et de la coordination des activités statistiques sur le continent, telles que le Cadre régional statistique de référence, en collaboration avec l'Union africaine, la Banque africaine de développement et les communautés économiques régionales.

28. Nous reconnaissons le rôle clef de la CEA dans la promotion du développement économique et social sur le continent, mais savons également que des ressources supplémentaires seront nécessaires pour que la Commission puisse s'acquitter de sa mission. Par conséquent, nous appelons les États membres à soutenir les efforts de la CEA en contribuant généreusement au Fonds d'affectation spéciale des Nations Unies pour l'Afrique.

Repositionner la CEA pour relever les défis de l'Afrique

29. Nous nous félicitons de l'initiative du Secrétaire exécutif et saluons sa vision et l'audace de ses propositions de repositionnement de la CEA visant à améliorer les services que cette dernière offre aux États membres, en réponse au Document final du Sommet mondial de 2005.

30. À cet égard, nous encourageons le Secrétaire exécutif de la CEA à donner suite à la proposition consistant à articuler les activités de la CEA autour de deux domaines: promouvoir l'intégration régionale, répondre aux besoins spécifiques de l'Afrique et relever les défis mondiaux qui se posent au continent tout en renforçant les statistiques et en oeuvrant pour l'égalité des sexes et le renforcement du pouvoir des femmes. Nous appuyons également la décision tendant à renforcer les Bureaux sous-régionaux de la CEA. Nous ne doutons pas que ces réformes permettront à la CEA, en collaboration avec ses partenaires, de mieux aider les pays africains à résoudre leurs difficultés de développement économique et social, notamment dans le domaine de l'emploi et à répondre aux besoins spécifiques des pays touchés par des conflits.

31. Nous nous félicitons de la récente relance du secrétariat conjoint UA/BAfD/CEA par les dirigeants de ces trois institutions, et encourageons ces dernières à renforcer la coopération entre elles. Nous recommandons vivement la rationalisation du programme et des activités des institutions régionales pour renforcer les synergies et éviter les chevauchements inutiles et coûteux.

28. En conclusion, nous remercions la CEA pour la bonne organisation de la trente-neuvième Commission/Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique. Nous sommes reconnaissants au Burkina Faso pour son excellente direction de nos travaux. Nous tenons également à remercier S.E. M. Blaise Compaoré et le peuple du Burkina Faso pour leur générosité et pour la chaleureuse hospitalité dont nous avons bénéficié tout au long de notre séjour.