Rabat, 28 Mars 2014 (CEA) - L’une des causes majeures du piétinement des processus d'intégration en Afrique réside dans l’insuffisance ou l'irrégularité des ressources mobilisées pour la coopération régionale. En l’absence des moyens financiers requis, la mise en œuvre de politiques sectorielles communes s’est avérée être le maillon faible des schémas régionaux d’intégration. Pour l’UMA comme pour quelques autres CERs du Continent, le financement des activités repose encore sur le système classique des contributions des Etats membres, à partir des budgets et trésors nationaux. Ces contributions sont déterminées annuellement par les organes délibérants, selon des clés propres à chaque CER, et prises en charge par les budgets nationaux, eux mêmes élaborés et exécutés selon les priorités et les contraintes propres à chaque pays. Le lien de dépendance qui en a résulté et les contraintes financières des Etats ont eu entre autres effets une insuffisance chronique des dotations budgétaires allouées aux institutions régionales, amplifiée par le cumul des arriérés de contribution, le tout se traduisant par des retards de mise en œuvre des schémas de libéralisation des échanges en l'absence de mécanismes d’ajustement et un faible niveau de réalisation des projets intégrateurs (infrastructures notamment). Si l'aide des partenaires au développement a permis ici et là de suppléer à quelques unes de ces défaillances, elle est restée par nature incertaine, limitée et conditionnelle, souvent confinée à des assistances techniques ponctuelles, portant sur des études ou l'organisation de séminaires/ ateliers.
Cet essoufflement des modes traditionnels de mobilisation des ressources pour la coopération régionale a amené les acteurs et animateurs du processus d’intégration en Afrique, tirant profit de l’expérience européenne, à orienter leurs efforts vers la recherche et la mise en œuvre de mécanismes alternatifs de financement des communautés économiques régionales, plus autonomes et plus réguliers, à même de lever durablement les obstacles rencontrés. Progressivement, le concept de financement autonome a été intégré dans le droit positif de la plupart des traités régionaux de 2° et 3° générations (ex-CEAO, puis UEMOA, CEDEAO, CEMAC, CEEAC, COMESA notamment), ainsi que dans le Traité d’Abuja instituant la Communauté Economique Africaine (article 82).
L’objectif premier de ces mécanismes de financement autonome est de sécuriser et surtout rendre irréversible les processus d’intégration, en apportant des réponses pérennes aux limites, incertitudes et difficultés inhérentes au système classique des contributions sur budgets nationaux, sans préjudice des concours attendus des partenaires au développement.
Le second objectif –non moins pertinent que le premier-, est de rendre les CERs plus autonomes, tant vis à vis des budgets et trésors nationaux des Etats membres que vis à vis de l’aide des partenaires extérieurs. Les expériences des autres CERs montrent bien que le processus d’intégration régionale risque –au mieux- de piétiner, si les liens de dépendance existants avec les budgets nationaux ne sont pas rompus ou tout au moins atténués quant à leurs effets. De même, l’aide extérieure, très appréciable par ailleurs, peut servir d’appoint, mais n’a pas vocation à se substituer aux efforts des Etats et à leur leadership pour le financement des projets et programmes communautaires.
L’ambition de l’UMA –telle qu’exprimée dans son traité constitutif, est de mettre en place un espace économique intégré, avec ses composantes classiques: édification d’un marché commun, mise en place d’un cadre réglementaire favorable aux investissements, formulation et mise en œuvre de politiques sectorielles communes, promotion d’un environnement de paix et de sécurité. La réalisation de ces objectifs requiert une mobilisation de ressources financières plus substantielles et surtout pérennes, bien au-delà de la couverture des seules dépenses de fonctionnement du Secrétariat général et des autres organes de l’Union. Comme le montre le retard enregistré pour la capitalisation de la Banque Maghrébine pour l’Investissement et le Commerce Extérieur (BMICE), le financement de l’UMA demeure une question non encore résolue, eu égard à la dimension des ambitions exprimées, au niveau actuel des ressources mobilisées et aux limites objectives du système existant. Pour asseoir durablement sa légitimité et avoir une bonne visibilité dans ses Etats membres, l’UMA doit disposer des ressources nécessaires à l’exercice efficient de son rôle de catalyseur dans la formulation et la mise en œuvre de programmes et projets intégrateurs.
Dans le cadre du Programme pluriannuel de coopération CEA-UMA, le Bureau pour l’Afrique du Nord de la Commission a initié en 2013 un projet d’appui au Secrétariat général de l’UMA visant à doter cette CER d’un mécanisme de financement autonome. Une étude de faisabilité a déjà été réalisée à cette fin, et devrait être suivie à court terme par des actions d’accompagnement et autres services-conseils dans le processus de négociation-adoption du nouveau dispositif. L’approche préconisée est basée sur l’institution d’un prélèvement parafiscal sur tout ou partie de la dépense nationale, assis, liquidé et recouvré par les administrations nationales pour le compte de l’UMA, en lieu et place des contributions des Etats membres.
L’étude définit
- les objectifs spécifiques à atteindre ;
- les principes directeurs et les critères de performances d’un système de financement autonome;
- les options envisageables pour l’UMA;
- les paramètres juridiques et fiscaux du prélèvement préconisé;
- le mode de gestion du mécanisme et les rôles respectifs des acteurs ;
- une méthodologie de travail pour la négociation, l’adoption et la mise en oeuvre.
L’opérationnalisation du nouvel instrument devrait permettre une mise à niveau rapide de l’UMA et son positionnement optimal sur l’échiquier des groupements économiques en construction, en la dotant d’une capacité d’initiative et d’action pour la mise en œuvre de ses objectifs, notamment par un financement régulier de ses budgets de fonctionnement, des études techniques, d’un fonds de péréquation des coûts et profits de sa zone de libre- échange, de certains de ses programmes et projets intégrateurs.