Marrakesh, 09 octobre 2014 (CEA) - Imaginez une Afrique oùla faim n’existe plus. Imaginez que la faim ne soit qu’une histoire ancienne dans une décennie. Telle est la vision qui a conduit nos dirigeants à s'engager à éradiquer la faim d'ici à 2025, et de déclarer 2014, l'année de l'agriculture et de la sécurité alimentaire.
Maintenant, imaginezque l'Afrique puisse arriver à l'autosuffisance alimentaire en raison du changement climatique. Aussi peu familier que ce contre-récit puisse paraître, le changement climatique représente une opportunité pour l'Afrique de penser et agir différemment, de changer la façon dont elle considère la croissance et interagit avec l'environnement, de choisir une autre voie vers un développement durable.
Au vu de la dure réalitéde l'agriculture africaine, l'objectif de la «Faim zéro» peut paraître ambitieux.
L'Afrique abriteprès de 30% des terres arables du monde et reste le secteur dominant dans de nombreux pays africains, employant 70% de la population active, ce qui représente 30% du PIB et générant 50% des exportations du continent. Pourtant, ce secteurdemeure le moins productif et le moins investi. En conséquence, un tiers des Africains souffrent de faim chronique et de malnutrition.
Des pratiques telles quela déforestation et la surexploitation ont contribué à dégrader 65% des terres arables de l'Afrique. Le changement climatique met un accent de plus sur un système agricole déjà fragile. Les experts préviennent qu'une hausse de 2°C de la température mondiale pourrait réduire les rendements des cultures africaines de 10% d'ici à 2050.
Ajouterà cela le fait que plus de 90% de l'agriculture en Afrique est pluviale, avec seulement 4% des terres irriguées, contre 39% en Asie du Sud. L'eau est le principal défi à relever pour l'agriculture du continent. Avec la fréquence des conditions météorologiques imprévisibles, le secteur sera plus exposé aux pénuries d'eau, aggravant encore l'insécurité alimentaire du continent.
Ajoutez à celale fait que d'ici à 2050, 60% des Africains vivront dans les villes. Dans un climat en évolution, comment l'agriculture africaine peut-elle atteindre les deux objectifs, à savoir nourrir sa population croissante et de plus en plus urbaine, tout en réduisant la faim et atteignant l'autosuffisance alimentaire?
Compte tenu decette image, les sceptiques peuvent être pardonnés de demander comment il est réaliste de parler des changements climatiques comme une opportunité pour l'Afrique, et non une menace existentielle. Dans le même temps, l'Afrique continue d'enregistrer quelques-uns des taux de croissance économique les plus forts du monde - soutenue en grande partie par la productivité agricole. Bien sûr, nous savons que ces chiffres n’ont aucune signification si la croissance n'est pas centrée sur les personnes, si les dividendes de la croissance ne sont pas équitablement distribués à la majorité de la population.
Nous croyons fermementque la cible «Faim zéro» est réalisable. Une partie de la solution ne dépend que des pays africains, si ils investissent 10% de leur PIB dans l'agriculture tel que proposé par le Programme détaillé pour le développement de l’agriculture en Afrique de l'UA (PDDAA) en 2003 L'idée est que grâce à cet investissement, les pays africains devraient atteindre un objectif de croissance du PIB de 6% pour le secteur agricole.
Alors, commenty parvenir? En faisant des investissements substantiels dans un modèle d’agriculture intelligent résilient et pour atténuer le changement climatique qui puisse ouvrir la voie à une nouvelle ère de croissance propre et durable pour l'Afrique. Pour que l'Afrique se nourrisse et maintienne sa dynamique de croissance, il faut rompre le lien entre la faim et les modèles agricoles défectueux. Le continent a besoin d’investir davantage dans la science et les innovations, qui sont au cœur pour améliorer le rendement agricole dans un climat changeant.
Le manque dedonnées et d'informations sur le climat est au cœur de la différence existant entre la science, les stratégies et le manque de planification appropriée de l'adaptation au climat dans l'agriculture. Les approches novatrices telles que l’initiative d'informations sur le climat connue sous le nom «Source d’information pratique» - dévoilée lors du sommet des Nations Unies sur le climat, le mois dernier - est d'une importance particulière pour l'Afrique.
Plus important encore,l'Afrique a besoin de forger des partenariats pour sa propre capacité d'adaptation et de résilience au climat. Dans ce contexte, ClimDev-Afrique, le Partenariat pour le climat et le développement en Afrique établi par l'UA, la BADet la CEA, a pour mandat et expérience debridge les connaissances et les lacunes des capacités auxquels font faceles pays africains.
Cette semaine, àMarrakech,au Maroc, les décideurs africains, les scientifiques et autres parties prenantes se rencontrent avec la tâche d'établir un centre régional pour la recherche scientifique sur le climat en Afrique; ce qui est primordial si la science sur le climat doit informer et influencer les politiques.
Comme nous le savons, le cheminement des preuves aux stratégies est tout sauf linéaire. Il y a beaucoup de points de vue divergents sur la science et sa capacité à stimuler la productivité agricole. Pour l’entrepreneur dans les télécommunications et champion en matière d'agriculture, Strive Masiyiwa, la Révolution verte a déjà commencé en Afrique, avec de nouvelles techniques et pratiques alimentaires indiquant le chemin à suivre pour améliorer la productivité agricole.
CalestousJuma, un scientifique kenyan de rang mondial, fait valoir que l'innovation comme moteur de croissance agricole, y compris l'utilisation sélective d'organismes génétiquement modifiés (OGM), a le potentiel de transformer radicalement les économies et les sociétés africaines. Le défunt Président du Malawi, Bingu Wa Mutharika a augmenté l'investissement agricole à 16% et amélioré l'approvisionnement en intrants, y compris les OGM et les semences. En conséquence, les rendements substantiels ont permis au Malawi de parvenir à l'autosuffisance alimentaire et exporté le surplus de maïs vers les pays voisins.
D'autres paystels que le Nigéria suivent le même chemin, en introduisant l'agriculture en saison sèche et les semences résistant à la sécheresse, mettant en place des stations agro-météorologiques, en promouvant l'assurance-récolte et autres approches intelligentes sur le climat. L'Ouganda a choisi de se lancer dans l’agriculture biologique pour permettre de bénéficier d’un marché alimentaire biologique mondial très lucratif, qui est estimé croître de 57,5 milliards de dollars en2010 à près de 105 milliards de dollars en 2015.
Les Révolutions vertesont été une partie intégrante de l'histoire du développement des pays comme le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. La modernisation de l'agriculture et la transformation de l'économie rurale ont été la clé de la réussite en Chine. La Chine et l'Inde ont également montré comment les excédents de la productivité agricole peuvent stimuler la croissance industrielle. En outre, le développement de la chaîne de valeur agricole est essentiel - comme en témoigne l'agroalimentaire et l'agro-industrie,en plein essor au Brésil et en Chine. Si les pays mentionnés plus haut, peuvent éradiquer la faim, pourquoi pas l’Afrique?
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