Déclaration de Thabo Mbeki, Président du groupe
L’affaire du « Panama Papers » de ces derniers jours a bouleversé la communauté internationale; en effet, il y a eu une énorme fuite de plus de 11 millions de documents qui selon les informations reçues remontent à quatre décennies et sont prétendument connectés à un cabinet d'avocats basé au Panama. Selon le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), cette société a, pendant tout ce temps et peut-être plus longtemps, facilité l’installation de sociétés fictives secrètes et des comptes offshore pour les riches et les puissants du monde entier. Un constat encore plus inquiétant, les données de ces documents montrent que la société a travaillé avec plus de 14000 banques, de cabinets d’avocats, de fondateurs de société et d’autres intermédiaires pour créer des sociétés, des fondations et des fiducies pour les clients. Par les temps qui courent où la question de la lutte contre les Flux financiers illicites, provoquée par des pratiques telles que la fraude fiscale et le recours aux paradis fiscaux, est l’une des priorités de l’Afrique; l’annonce de ces « Panama Papers »arrive à point nommé.
Les « Panama Papers » font minutieusement ressortir les problèmes que le Groupe de haut niveau sur Flux financiers illicites (IFF) en provenance de l’Afrique de l’Union africaine (UA) et de la Commission économique pour l'Afrique (CEA) a souligné vigoureusement dans les conclusions de son rapport publié et approuvé par les chefs d’État et de gouvernement africains, en janvier 2015. L’une des conséquences de ces conclusions et non la moindre concerne les questions relatives aux paradis fiscaux et / ou compétences territoriales disposant du secret financier et le manque de transparence en ce qui concerne la véritable propriété des sociétés. Les informations publiées dans les « Panama Papers » jusqu’ici confirment effectivement les conclusions du Rapport du Groupe de haut niveau. Ils confirment, à plus forte raison, l’existence d'un réseau de comptes offshore et des voies d’investissement complexes qui conduisent à l’évasion et la fraude fiscales. Jusqu’à présent, les avertissements contre ces méthodes ont été pris à la légère. Les sommes astronomiques de pratiques illicites et le nombre important d’acteurs mondiaux exposés par le scandale de Panama démontrent que les gouvernements africains et le reste du monde ne peuvent éviter une action ferme contre les paradis fiscaux / compétences territoriales disposant du financier.
Le fait indéniable est que les Flux financiers illicites qui proviennent de la fraude fiscale méritent toute notre attention aux niveaux continental et mondial. Les « Panama Papers » révèlent que le quatrième paradis fiscal le plus utilisé par cette société est un pays africain. Plus grave encore, les rapports montrent que cette société ne connait l’identité de 1,44% (soit seulement 204 des 14.086 sociétés) des véritables propriétaires qu’elle avait incorporées dans ce pays même. En effet, nous ne devons pas nous leurrer que la question des paradis fiscaux ne touche pas directement l’Afrique et le monde dans son ensemble.
Plusieurs pays dans le monde, y compris l’Afrique du Sud, la Grande-Bretagne et la France ont promis que quiconque ressortissant de leur pays cités dans cette l’affaire de Panama sera examiné par les organismes compétents pour garantir la conformité avec les lois relatives à la fraude fiscale. Ceci est un bon départ pour les efforts nécessaires. Maintenant, tous les pays africains et non africains feront de même et commenceront leurs propres enquêtes. Ces enquêtes ne devraient pas seulement se limiter aux résultats de l’affaire du Panama, mais devront aller plus loin pour découvrir les autres destinations possibles résultant de la fraude fiscale. Les contenus des « Panama Papers »est une atteinte majeure au secret financier, qui doit être encouragée.
Il faut poursuivre ces efforts particuliers pour exercer une pression politique sur les pays qui permettent l’opacité financière à haut niveau ou qui ont des Lois qui permettent le secret bancaire et l’enregistrement de sociétés fictives. Ceci est d’une importance capitale pour tous les pays. Sinon les pratiques fiscales préjudiciables et l’opacité à haut niveau dans les transactions financières comme le démontrent les « Panama Papers » continueront d’être un fléau que nous ne découvrirons qu’avec l’aide de personnes assez audacieuses pour les dénoncer.
Comme le souligne le Rapport de l’UA et de la CEA sur les FFI, la communauté internationale et toutes ses institutions, y compris les parlements doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer les compétences territoriales disposant du secret financier, introduire la transparence dans les transferts financiers et sévir contre le blanchiment d’argent. Tant que tous les pays ne travailleront pas ensemble pour lutter contre les FFI sous toutes ses formes, les paradis fiscaux ne fermeront pas, le manque de transparence de la propriété ne sera pas combattu et les sociétés qui détiennent des actifs et des comptes bancaires offshore ne seront pas contrôlées, il y aura toujours de grandes occasions pour exploiter les lois fiscales à tous les niveaux et dans tous les pays et à des fins négatifs.
S’il s’avère que la société de Panama est jugée coupable de tels actes, elle mériterait ainsi le sort qui lui est réservé. Mais cette dernière s’est défendue, à la suite de ces révélations, qu’elle n’est impliquée dans aucune de ces pratiques illégales. Malheureusement, cela peut très bien être le cas juridiquement compte tenu de l’actuelle architecture mondial et incomplète pour localiser les FFI, qui devraient inclure les traités internationaux contraignants.
Nous ne devons pas mal interpréter la divulgation des « Panama Papers » comme une réjouissance ou une fin en soi. Bien au contraire, le temps est plutôt à une réflexion profonde et au regret que nous ayons laissé la pratique perdurer grâce due en partie à l’existence de paradis fiscaux / compétences territoriales disposant du secret financier.
Le moment est venu pour la communauté internationale d’agir et ce de manière ferme et globale pour mettre fin aux Flux financiers illicites et fermer ces paradis fiscaux et compétences territoriales disposant du secret financier qui servent de domicile à ces Flux financiers illicites.