Rabat, le 24 avril 2014 (CEA) - Le Sous-Secrétaire général des Nations Unies et Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l'Afrique, M. Carlos Lopes, a demandé de réexaminer la perception globale de l'Afrique, qui continue d'être l'un des continents qui ne connaît que des crises et où faire des investissements est hasardeux.
M. Lopes s'est exprimé à l'ouverture de la séance de deux jours qui vient de se terminer sur la «Conférence sur la croissance mondiale» qui a débuté cet après-midi à Rabat, au Maroc, à l'initiative de l'Institut Amadeus, un pôle de réflexion intellectuelle marocain indépendant et une organisation sur la politique fondé en 2008. La Conférence met l'accent sur «L'émergence économique du continent africain».
S’adressant à plus de 500 participants, M. Lopes a déclaré que d'autres régions du monde, notamment en Asie, sont tout aussi frappées par des conflits et troubles généralisés, et pourtant, elles ne sont pas stigmatisées comme instables, mais plutôt applaudies comme contributeur attractif et dynamique à la croissance mondiale.
Mais la raison doit changer, a déclaré le Secrétaire exécutif de la CEA, car ce que l'Afrique veut est en fait «la transformation structurelle et non l'ajustement structurel» et pour que l'Afrique se développe et transforme, nous avons besoin d'avoir une compréhension claire de notre époque.
Pour atteindre cet objectif, M. Lopes a insisté pour que l'industrialisation soit indispensable à la transformation, et contribue à créer des emplois, augmente les revenus et permette la diversification. Il a souligné toutefois que le bon point de départ est «un leadership qui montre une vision claire et mobilise tous les secteurs de la société derrière l'impératif de développement».
Faisant un plaidoyer convainquant pour une nouvelle culture du développement en Afrique, M. Lopes a mis l'accent sur la nécessité de «changer nos approches, attitudes et priorités. Nous devons nourrir une population qualifiée, en bonne santé qui peut s'imprégner de la technologie et construire les infrastructures, indispensables pour le progrès».
Tout en reconnaissant que certaines des économies les plus dynamiques dans le monde se trouvent en Afrique, M. Lopes a mis en garde contre toutefois le fait de se leurrer et a insisté sur le fait que cette croissance ne suffit pas car elle est loin de 7%, ce qui est le minimum requis pour doubler la moyenne des revenus en une décennie. Ceci est en partie dû au fait que beaucoup trop de nos économies dépendent de la production et de l'exportation de produits de base, et nombreuses sont très inégales. C'est ce qui explique la nécessité d'une transformation structurelle réelle à travers un «transfert à grande échelle des ressources de secteurs à faible ou à forte productivité». Cela signifie un changement important dans la composition sectorielle du produit intérieur brut de la part du secteur primaire dans l'emploi et la production se déplaçant vers l'industrie et les services modernes, et une plus grande utilisation de la technologie et de la productivité dans tous les secteurs.
Parlant de l'industrialisation basée sur les produits de base comme une approche avec des perspectives de succès sur la voie de l'industrialisation de la transformation; M. Lopes a expliqué que l'approche aux produits de base propose également une portée immédiate pour la valeur ajoutée et de nombreuses possibilités à exploiter en amont et en aval. Il a également énuméré quatre conditions pour réaliser le programme d'industrialisation pour répondre aux besoins d'un continent pluriel. Il s'agit principalement:
i) La nécessité pour l'Afrique d'utiliser sa position de négociation en s'appuyant sur ses ressources et maximisant les demandes dans les produits pour lesquels elle bénéficie d'une position dominante.
ii) Le droit et la latitude pour l'Afrique de se libérer d'une préférence technologie particulière ou d'un paradigme et suivre une voie de l'énergie propre et verte, d'autant plus que son potentiel en hydroélectricité, géothermie, biomasse, énergie éolienne et solaire est un atout incroyable.
iii) La nécessité pour l'Afrique de se concentrer sur sa consommation intérieure. À titre d'exemple, le passage de la production primaire à l'agro-industrie moderne offre une opportunité lucrative pour un grand nombre de petits exploitants agricoles et pour la création d'emplois modernes pour la jeunesse du continent.
iv) La nécessité de donner un visage humain à l'industrialisation, qui devrait être inclusif et offrir une fenêtre d'opportunité aux femmes et jeunes, à travers le renforcement de leur autonomisation et contribution économique.
Pour accompagner la mise en œuvre de ces conditions préalables, M. Lopes a insisté que plus d'attention devrait être accordée à la mobilisation des ressources, des données plus solides et de meilleurs systèmes statistiques, tout en accélérant le processus d'intégration régionale, en particulier que son potentiel est encore largement non exploité.
Pour sa part, Mme M'barka Bouaida, Ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc, a souligné l'importance d'adopter de nouvelles approches, telles que la promotion de la diplomatie économique, et le partenariat Sud-Sud et de co-développement.
Mettre la technologie au service du processus de transformation dont l'Afrique est tenue d’opter pour a été souligné par M. Brahim Fassi-Fihri, Président de l'Institut Amadeus. Il dit que ce serait un des principaux moyens pour l'Afrique de maîtriser son développement. «L'Afrique a besoin de projeter une telle image, d'autant plus que le continent a beaucoup de potentiel».
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