L'Accord portant la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECA) a été signé par 44 Chefs d’États et de gouvernements le 21 mars 2018 à Kigali, au Rwanda. Six pays additionnels ont aussi signé la Déclaration séparée de Kigali dans laquelle ils ont réaffirmé leur engagement en faveur de l’initiative panafricaine, augmentant de ce fait les pays africains ayant signé l’un ou l’autre ou les deux documents au nombre de 50. Trois pays, à savoir le Rwanda, le Kenya et le Ghana, ont déjà ratifié l’accord. Le Kenya et le Ghana ont même déposé leurs instruments de ratification auprès du président de la Commission de l’Union africaine (CUA). La 10e Session Extraordinaire du Sommet de l'Union africaine (UA) a aussi consacré la signature du Protocole au traité instituant la Communauté économique africaine relatif à la libre circulation des personnes, au droit de séjour et au droit d’établissement par 27 leaders africains.
La ZLECA marque un jalon important dans les efforts de l’intégration régionale de l’Afrique qui a été envisagée et poussée par les pays Africains dans le cadre du traité d’Abuja de 1991. Le plus grand bloc de libre-échange dans le monde en termes des pays participants qui est en passe d’être créé devrait à terme couvrir tous les 55 pays membres de l’UA et créer un marché de 1,2 milliard de personnes et un PIB total de 2,5 milliard de dollars américains.
La Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) et la Banque africaine de développement (BAD) ont fourni l’appui technique tout le long du processus. Son Excellence le Président Mahamadou Issoufou du Niger a conduit la dernière phase des négociations jusqu’à la signature de l’accord.
La ZLECA est une initiative phare de l’Agenda 2063 de l’UA qui englobe la vision et la stratégie du continent sur le développement et l’intégration de long terme ainsi que l'Agenda 2030 du développement durable des Nations Unies. La ZLECA offrira des possibilités économiques et peut servir de plateforme pour l’accélération de l’inclusion sociale. La première phase de la ZLECA englobe le commerce des biens et services et l’établissement d’un mécanisme de règlement des différends. Les travaux sur la deuxième phase qui porte sur les questions des politiques d’investissement, la propriété intellectuelle et la concurrence devraient commencer en 2018.
Les chaînes de valeur régionales reliant les économies avec differents modèles de production et niveaux de sophistication industrielle devraient surgir ou se renforcer suite à la réduction des coûts de commerce et la facilitation d’investissement. Il est attendu que les exportations industrielles recevront un coup de pouce grâce à l’établissement de la zone de libre-échange. Le commerce intra-africain que la ZLECA vise à promovoir devrait être particulièrement propice au développement soutenable. Au moment où les produits primaires ont constitué trois quarts des exportations des pays africains avec le reste du monde entre 2012 and 2014, elles ne s’élevaient qu’à moins de 40% du commerce intra-africain avec les produits manufacturés comptant pour 43%. Comprenant relativement plus de produits manufacturés et à valeur ajoutée, le commerce entre les pays africains donne lieu à la croissance économique et opportunités de travail pour la population africaine jeune et en pleine croissance.
La CEA a estimé que si tous les droits de douane étaient supprimés, le volume du commerce intra-africain augmenterait de 52,3% en 2022 par rapport aux niveaux enregistrés en 2010. Ce commerce pourrait doubler si des mesures non tarifaires étaient éliminées. Selon la CNUCED, les économies africaines pourraient récolter chaque année 3,6 milliard de dollars américains de gains de bien-être en l’absence des droits de douane. Comme tous les tarifs ne seront pas supprimés immédiatement, les gains économiques anticipés se produiront graduellement.
Les petites et moyennes entreprises qui forment la base productive des économies africaines et créent environ 80% des emplois formels sont censés tirer parti de la ZLECA. Ces firmes pourraient mettre leurs produits dans les marchés régionaux ou fournir de plus grandes compagnies impliquées dans le commerce extérieur. En réduisant les coûts de commerce, la ZLECA facilitera aussi la transition des marchands transfrontaliers informels vers le domaine formel. Cet effet pourrait être particulièrement important pour les femmes qui composent approximativement 70% des commerçants informels transfrontaliers en Afrique et qui souvent doivent subir du harcèlement et de la violence et /ou encore la confiscation de leurs marchandises et l’incarcération.
Les entreprises africaines et les consommateurs économiseront sur les paiements des droits de douane actuellement applicables à une quantité importante des biens commercialisés. Les coûts de transaction auxquels sont actuellement confrontés les commerçants baisseront à la suite des procédures douanières rationnalisées, de la coopération entre les autorités nationales sur les normes et les règlementations des produits et de la facilitation du transit et du commerce. Une libéralisation progressive et une reconnaissance mutuelle des normes permettrons les fournisseurs de services de faire concurrence dans d’autres marchés du continent.
Le protocole séparé de l’UA sur la liberté de mouvements des personnes est un complément important de la ZLECA avec une disposition sur l’exemption de visa, le droit de séjour et le droit d’établissement des entreprises et des professionnels. Entre autres mesures, le Protocole envisage la création d’un passeport unique pour tous les africains. Plusieurs communautés économiques régionales (CER), y compris la Communauté d'Afrique de l’Est et la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, ont déjà lancé des passeports régionaux.
D’après la CEA, plusieurs mesures d’accompagnement et des politiques additionnelles seront nécessaires pour réaliser pleinement le potentiel de la ZLECA. Le Plan d’action pour stimuler le commerce intra-africain donne des orientations sur les domaines nécessitant davantage d’attention afin d’assurer que tous les pays africains récoltent les fruits de la ZLECA. Les pays africains les moins industrialisés pourront gagner d’une mise en œuvre rapide du programme du Développement industriel accéléré de l’Afrique visant à améliorer les compétences de la population active. Les économies riches en ressources devraient exploiter la zone de libre-échange pour promouvoir la diversification des leurs exportations par le biais de la Vision minière africaine.
La ZLECA entrera en vigueur une fois que le 22e instrument de ratification est déposé auprès du président de la CUA. Un nouveau secrétariat de la ZLECA chargé de surveiller le processus de mise en œuvre sera établi dans un pays membre de l’UA. Les CER cordonneront et appuieront l’implémentation au niveau national. Les pays africains devraient développer et suivre des stratégies dédiées à la ZLECA pour profiter pleinement du processus d’intégration continentale.