Par David Luke et Phil Rourke [1]
L’arrivée du Président élu, Donald Trump, a pertubé la stratégie commerciale du gouvernement libéral. Le récent remaniement du Cabinet et le regard maintenant sur les États-Unis, partenaire commercial le plus important du Canada, ont confirmé la nécessité d’un nouveau départ.
La première victime du changement de stratégie est probablement le « programme progressif du commerce » du gouvernement, particulièrement en ce qui concerne les pays en développement. Le nouveau Ministre du commerce, François-Philippe Champagne, considère que l’Afrique est la meilleure raison de maintenir ce programme sur sa liste de priorités.
Le PIB du continent dépasse maintenant la barre des 3 mille milliards de dollars américains. Sa population atteint le milliard et devrait dépasser les deux milliards dans les 30 prochaines années. À ce moment-là, la population de l’Afrique dépassera celles de la Chine et de l’Inde combinées.
La classe moyenne en Afrique représente maintenant près d’un tiers de la population actuelle du continent et elle grandit. Selon un récent rapport McKinsey, la forte consommation des ménages en Afrique et les dépenses des entreprises offriront aux entreprises des opportunités de 5,6 mille milliards de dollars en 2025.
Les pays africains prennent des mesures positives pour un meilleur développement industriel et un changement structurel. Le commerce est essentiel à cet effort. Le commerce intra-africain est déjà nettement plus diversifié que le commerce continental avec le reste du monde, selon des recherches menées par le Centre africain pour la politique commerciale de la Commission économique pour l’Afrique.
La pauvreté reste le principal défi de l’Afrique. L’Objectif du Millénaire pour le développement qui consiste à réduire de moitié la pauvreté a été atteint pour toutes les régions en développement, à l’exception du continent africain. Le Groupe de la Banque mondiale estime que même si la part des Africains vivant dans l’extrême pauvreté a diminué, passant de 57 pour cent en 1990 à 43 pour cent en 2012, le nombre, lui, a augmenté de plus de 100 millions. Le Groupe prévoit également que l’extrême pauvreté se concentrera de plus en plus en Afrique.
L’accent sur les marchés traditionnels de biens et services canadiens n’est pas une stratégie efficace à long terme. La croissance économique dans les pays développés s’est pratiquement stabilisée. Cela semble être la nouvelle routine. L’avenir économique du Canada se trouve dans les pays en développement.
C’est là que se le mandat du Ministre du commerce, M. Champagne et celui de la Ministre du développement international, Marie-Claude Bibeau se rejoignent.
L’Afrique représente la part la plus importante de l’aide canadienne au développement international. Dans le cadre de la croissance économique durable - le thème majeur d’un programme commercial progressif, le Canada a investi des sommes considérables dans le développement de PME, la gouvernance, une plus grande participation du public, l’autonomisation des femmes et l’environnement.
Le Canada est déjà à l’avant-garde du programme commercial et de développement de l’Afrique. Le Canada collabore avec la Commission économique pour l’Afrique pour apporter son appui aux efforts du continent dans sa quête de créer une Zone de libre-échange continentale qui éliminerait les droits de douane, rationaliserait les questions liées aux frontières, réglerait les obstacles non tarifaires et parviendrait à une règlementation commune sur les investissements et les services.
C’est le meilleur point départ pour le Canada. La question est de savoir comment le Canada profitera de cette occasion: selon les données de l’OCDE, les contributions du Canada aux initiatives d’aide au commerce diminuent ainsi que son engagement envers l’Aide publique au développement (APD).
L’Afrique doit faire face au défi Brexit: le Royaume-Uni et l’Europe seront préoccupés pendant des années à redéfinir tous les aspects de leur relation. Les relations commerciales et les investissements avec l’Afrique figurent parmi les priorités.
Le Canada devrait combler ce vide grâce au Commonwealth et à la Francophonie. Une stratégie commerciale et de développement globale avec ces membres, lancée à la Conférence ministérielle de l’OMC en décembre, fournirait un plan directeur.
Il faut mettre l’accent sur le commerce et l’investissement dans les services. L’enseignement supérieur, le développement de l’énergie propre, la coopération technologique sur les stratégies d’atténuation du changement climatique et l’amélioration des services de productivité agricole sont des domaines prioritaires pour l’expansion en Afrique. Ces priorités répondent aussi directement aux objectifs canadiens qui visent à renforcer l’autonomisation des femmes, à accroître la croissance inclusive et à apporter un soutien plus large pour le développement.
Le modèle de collaboration du Canada avec les sociétés minières pour améliorer la responsabilité sociale des entreprises offre des leçons pour un engagement plus profond en Afrique. Les leçons apprises - bonnes et mauvaises - peuvent aider à développer de nouvelles relations commerciales et d’investissements bilatérales.
Ils nous faut aussi changer de perspective. La critique des limites de la mondialisation à faire face aux objectifs sociaux et autres objectifs de développement conduit à une approche « Fabriqué au Canada » pour les biens et les services. La réalité est que nous avons des intérêts communs à créer de la valeur ensemble, au-delà des frontières nationales. Une stratégie de niche « Fabriqué AVEC le Canada » de commerce et de développement fondée sur des principes de développement et un commercial solides et un certain lien de soutien du Canada est, à notre avis, la seule voie à suivre.
[1] David Luke, Coordonnateur du Centre africain pour la politique commerciale de la CEA et Phil Rourke, Directeur exécutif du Centre pour la politique commerciale et le droit de l’Université Carleton à Ottawa, Canada, ont publié un article le 18 janvier 2017, dans le « Hill Times d’Ottawa ». Ledit article traitait de l’occasion offerte de renforcer les liens commerciaux entre l’Afrique et le Canada. Le « Hill Times d’Ottawa » est largement lu par les décideurs politiques et la classe politique au Canada. L’article vise à attirer l’attention du nouveau ministre canadien du Commerce, M. François-Philippe Champagne, qui s’apprête à prendre fonction et envisage parmi ses options à adopter une politique commerciale progressive avec les pays en développement, conformément à la politique commerciale et de développement du gouvernement du Premier Ministre, Justin Trudeau. L’article a aussi pour objectif de renforcer le partenariat entre le Gouvernement du Canada et la CEA. Ci-dessous le texte intégral de l’article.