Malgré la promesse et l’importance de la mondialisation comme un moteur puissant pour la transformation économique, les agriculteurs de subsistance qui travaillent dur ont été laissés pour compte en raison de compétences insuffisantes, déclare le lauréat du Prix Nobel et Professeur de Harvard, Eric Maskin lors d’une table ronde qui avait pour thème, La voie à suivre pour la transformation de l’agriculture en Afrique.
Il estime que les agriculteurs africains pourraient bénéficier de la mondialisation si des politiques délibérées étaient en place et déclare qu’une priorité majeure concerne l’augmentation des niveaux de compétences par des mesures telles que des incitations aux entreprises agricoles qui investissent dans le développement des agriculteurs. Citant le Brésil comme l’exemple d’un pays qui a mis en place des mesures pour lutter contre les inégalités, il déclare que les entreprises pourraient également bénéficier si elles participaient à l’élimination du travail des enfants en offrant des possibilités aux travailleurs d’inscrire leurs enfants à l’école.
Animée par Wole Famurewa de la CNBC Afrique, la table ronde qui a eu lieu le lundi 5 décembre 2016, marquait le premier jour de la 11ème Conférence économique africaine à Abuja. Maskin, le Président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina, la Commission économique pour l’Afrique, Abdalla Hamdok, le Secrétaire exécutif par intérim et le Bureau régional pour l’Afrique du Programme des Nations Unies pour le développement, Abdoulaye Mar Dieye et le Ministre nigérian de l’agriculture et du développement rural, Audu Innocent Ogbeh représentaient les membres du panel, qui a abordé un nombre de questions, y compris la négligence en milieu rural et les pertes subies en raison de mauvaises infrastructures.
Un exemple de l’impact des pertes à cet égard concerne les milliards de dollars gaspillés dus à l’importation de jus concentrés tandis que les mangues pourrissent dans les zones rurales.
Comme le souligne Dieye, les agriculteurs doivent être soutenus, subventionnés et formés pour une plus grande productivité, une maîtrise du processus de transformation et une meilleure valeur ajoutée, car ceci pourrait prévenir les pertes post-récolte, répondre à l’absence de systèmes de gestion des déchets et aux pratiques persistantes de stockage des céréales nuisibles pour la santé et la sécurité alimentaire.
Pour sa part, M. Hamdok déclare que les régions rurales d’Afrique sont gravement négligées et il déploré l’absence de la plupart des banques dans les zones rurales. Et dit de plus, que « 85% de la main-d’œuvre agricole en Afrique est composée des femmes, qui subissent une descrimination sexuelle extrême en termes d’accès au crédit et au financement ». Il dit que la nouvelle dynamique de la planification et une participation plus importante des gouvernements pourraient remédier à cette négligence.
« Des politiques délibérées et des investissements dans les domaines de l’innovation et de la R & D sont essentiels pour voir des progrès significatifs tout au long de la chaîne de valeur et faire face aux défaillances du marché », ajoute-t-il.
Le Président de la BAD, Akinwumi Adesina, dénonce également les pertes subies dans l’agriculture et souligne la nécessité de s’attaquer aux mauvaises infrastructures et au manque de capacités industrielles locales proches des exploitations agricoles. Il souligne les efforts des banques dans le développement d’informations sur le marché afin de garantir un accès des agriculteurs aux acheteurs à travers les téléphones mobiles et la nécessité d’améliorer les routes et l’accès à l’électricité pour faire baisser le coût de l’activité commerciale.
Adesina a également donné des exemples d’innovations réussies qui sont en cours, tels que l’Éthiopie, où le secteur des produits a crée des liens et des avantages supplémentaires dans les domaines du transport et de la logistique, des services bancaires et financiers ainsi que des économies d’échelle en termes de quantité, de paiement et de livraison.
En réponse à un point soulevé par Dieye sur la négligence des régions rurales en Afrique contribuant au terrorisme et l’impératif de se nourrir en tant qu’une question de sécurité nationale, Adesina souligne la nécessité d’établir des zones économiques rurales pour attirer les jeunes. « Nous nous devons de rendre l’agriculture attractive pour les jeunes; à travers les compétences, la finance et le capital-risque » dit-il.
Il note également qu’il faut réduire le risque de prêt, en particulier pour les femmes et ajoute : « Il n’y a pas d’avenir pour l’agriculture si les femmes ne sont pas financées ».
L’optimisme était au rendez-vous à la fin du débat, avec Adesina soulignant que les jeunes d’Afrique, s’ils sont autorisés à participer efficacement aux industries agro-alimentaires, sont les futurs milliardaires.