L’intervention d’urgence du G20 en Afrique est notre assurance collective

Rappelons que l’humanité qui a débuté en Afrique avec les hommes préhistoriques a permis à celle-ci de s’étendre à travers le monde, partageant ainsi tant de possibilités et de menaces communes. Ainsi, lorsque les dirigeants mondiaux se réunissent en ligne en tant que G20 aujourd’hui pour planifier l’action mondiale de l’humanité face au COVID-19, il est dans l’intérêt de nous tous que l’Afrique soit au centre de cette stratégie - au cœur de l’intervention sanitaire mondiale, ainsi que des mesures à prendre pour préserver l’économie et les emplois. Sinon, cet effort collectif de l’humanité échouera.

Bill Gates a averti, il y a un mois, que cette épidémie risquait de tuer dix millions de personnes en Afrique. L’impact du virus sur l’Afrique menace de dépasser tout ce que nous avons vu en raison de la faiblesse des systèmes de santé, les lits d’hôpitaux par population restent l’un des plus bas au monde ; les habitations urbaines congestionnées et notre atout le plus fort, nos solides réseaux sociaux sont désormais mortels. Alors que la révolution technologique a pris racine dans de nombreux endroits, les start-ups technologiques prospèrent et bien que l'accès ait augmenté, nous sommes toujours le continent le plus déconnecté avec des coûts moyens les plus élevés et la plus petite bande passante. Ce sont d’énormes handicaps pour l’Afrique face à ce virus.

Si nous agissons ensemble et de manière décisive sur le continent et dans le monde, nous pouvons éviter le pire. Depuis le premier cas signalé il y a cinq semaines en Afrique, les chiffres ont augmenté, reflétant ceux des autres continents. Au Sénégal, le Gouvernement a lancé un plan de relance mais peine à gérer les répercussions des rassemblements de masse dans les sites religieux. Et bien d’autres. Au Kenya, le Gouvernement a utilisé son vaste système mobile et sa connectivité pour lancer des mesures telles que des envois de fonds gratuits. L’Afrique du Sud, l’un des pays dotés des meilleurs systèmes de santé, est passée d’une réaction mesurée à la loi martiale. La célèbre place Jemaa el-Fna au Maroc est étrangement vide, sans touristes car le pays est en confinement. Le dimanche dernier, le jour de la fête des mères, de nombreux occidentaux ont envoyé des fleurs coupées originaires d’Afrique au lieu de visites. Mais depuis Nairobi et Kampala, les fleurs coupées ne sont plus exportées par le fret aérien, menaçant des milliers d’emplois dans les chaînes d’approvisionnement mondiales qui ont été considérablement supprimées. L’Afrique doit agir de manière coordonnée, dans le cadre d’une intervention coordonnée mondiale, afin de ne pas exacerber les impacts sur ses populations.

Une Afrique bien équipée est la clé de notre assurance collective. Pour équiper l’Afrique, il faut aborder rapidement les vrais détails dans le cadre d’un ensemble coordonné à trois volets défini par les ministres des finances africains lors de leur conférence virtuelle la semaine dernière.

Premièrement, un soutien à une intervention sanitaire et humanitaire immédiate. Les dirigeants du G20 devraient appuyer l’ouverture de couloirs commerciaux, en particulier pour les fournitures de santé préventive, les produits pharmaceutiques, l’alimentation et la mise à niveau immédiate des infrastructures de santé et des systèmes de données pour suivre l’incidence. Les pays peuvent se concentrer sur l’information et la prévention en renforçant et en construisant des installations curatives. L’OMS et le CDC Afrique peuvent faciliter cette tâche avec des fonds via et / ou provenant du Fonds mondial, de GAVI et d’ailleurs.

Deuxièmement, mettre en place un plan de relance économique d’urgence et immédiat. Les États-Unis envisagent 2 000 milliards de dollars américains et le Royaume-Uni environ 320 milliards de dollars de mesures de relance. Les dirigeants du G20 devraient engager 100 milliards de dollars américains par le biais des partenaires traditionnels que sont le Groupe de la Banque mondiale, le FMI, la BAD et l’UE pour financer l’intervention sanitaire immédiate, protéger les plus vulnérables et les emplois en plus des 50 milliards de dollars déjà promis par les fonds. Pour garantir un espace budgétaire et des liquidités immédiats, cet ensemble devrait inclure une exonération de tous les paiements d’intérêts, estimés à 44 milliards de dollars américains pour 2020. Les dirigeants du G20 devraient également soutenir une exonération du capital et des intérêts pour les États africains fragiles tels que le Sahel, la République centrafricaine et d’autres qui sont déjà aux prises avec des dépenses de conflit et ont un espace budgétaire limité. La Chine aura un rôle important à jouer en tant que deuxième partenaire commercial et a une opportunité d’être le chef de file, mais de nombreuses banques privées occidentales doivent s’y impliquer. Les parties prenantes de la société civile devraient faire le suivi de l’utilisation efficace.

Enfin, nous devons protéger le secteur privé et plus de 30 millions d’emplois immédiatement menacés sur le continent, en particulier dans les secteurs du tourisme et des compagnies aériennes. À cette fin, les dirigeants du G20 devraient prendre des mesures pour soutenir les importations et les exportations agricoles, le secteur pharmaceutique et le secteur bancaire. Une facilité de crédit étendue, des plans de refinancement et des facilités de garantie devraient être utilisés pour renoncer, restructurer et fournir des liquidités supplémentaires en 2020. Les dirigeants du G20 devraient soutenir une ligne de liquidité à la disposition du secteur privé opérant en Afrique pour garantir que les achats essentiels puissent continuer et que toutes les PME dépendantes du commerce puissent continuer de fonctionner.

Alors que les ministres des finances africains s’attèlent à élaborer une approche coordonnée de l’urgence, une intervention forte et coordonnée du G20 donnera à l’Afrique une longueur d’avance dans la planification et la préparation pour aplanir les courbes avant que l’Afrique n’accuse de plein fouet son impact.

 

Vera Songwe est la Sous-secrétaire générale de l’ONU et la Secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique.

Twitter : @SongweVera

 

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