Addis-Abeba, Éthiopie le 14 mai 2020 - La Commission économique pour l’Afrique (CEA) a publié aujourd’hui une Note politique qui fournit une analyse préliminaire, dans une perspective africaine, des limites du droit commercial international en temps de crise comme en ce moment et propose de fortes recommandations politiques à l’intention des décideurs africains.
Après une brève analyse du droit du commerce international tel qu’il s’applique au mouvement des biens essentiels destinés au Covid-19, l’étude conclut que, en cas d’urgence réelle comme en ce moment, le rôle du droit à garantir l’accès aux fournitures médicales essentielles sur le marché international est fortement diminué. Les effets ont été grave, en particulier sur les pays qui manquent de capacités de production locales suffisantes.
Dans un modèle économique mondial dans lequel l’Afrique exporte principalement des produits primaires et importe principalement des produits finis, l’Afrique accuse un double coup dur dans la crise : (i) le confinement économique dans une grande partie du monde a fait chuter les prix des produits de base à des niveaux record, provoquant des baisses importantes et dramatiques des recettes de change indispensables pour la plupart des pays africains tributaires des ressources ; et (ii) lorsque les pays avancés dotés de capacités de production et d’approvisionnement imposent des restrictions à l’exportation de fournitures médicales essentielles, la conséquence inévitable résulte en une baisse soudaine des fournitures, une hausse des prix et une escalade tout aussi dramatique des factures d’importation des pays africains à un moment où leurs ressources déjà maigres sont débordées.
Compte tenu de la nature structurelle du défi, il n’y a pas grand-chose à faire à court terme. En conséquence, une grande partie de l’Afrique est encore une fois forcée de dépendre fortement de la charité d’autrui. C’est insoutenable. Quatre enseignements majeurs se dégagent de l’analyse.
Industrialisation : vient d’abord l’impératif de s’industrialiser. Si les arguments économiques en faveur de l’industrialisation et de la diversification connexe en Afrique sont trop convaincants, la Covid-19 en fait désormais une question de survie pour le continent et ses citoyens.
Recherche et développement : vient ensuite le besoin d’infrastructures de connaissances composées de main-d’œuvre qualifiée pour maintenir un certain degré de capacité de recherche et de développement. L’Afrique ne peut réussir sa dynamique d’industrialisation et de diversification que si elle est soutenue par une solide stratégie de R&D et une base de connaissances.
Multilatéralisme efficace : non seulement l’industrialisation prend du temps, même une Afrique industrialisée avec une base économique diversifiée devra placer le commerce avec le reste du monde au centre de sa stratégie de sécurité d’approvisionnement dans tous les secteurs, permettant aux fabricants africains de faire partie des chaînes de valeur régionales et mondiales qui fonctionnent bien. En tant que telle, l’Afrique doit continuer de plaider pour un multilatéralisme commercial efficace qui garantisse que les règles du jeu soient resserrées et appliquées par ses membres en bonne foi, dans l’intérêt collectif et avec un sentiment de solidarité.
Réexaminer l’Accord de la ZLECA : enfin, en tirant les leçons des lacunes du système commercial mondial mises en évidence par la Covid-19, et considérant que la pandémie a frappé alors que l’Afrique se préparait à lancer la phase opérationnelle de la ZLECA, le continent devrait profiter de cette fenêtre d’opportunité pour réexaminer les dispositions de l’Accord de la ZLECA et élaborer des règles supplémentaires pour garantir le flux le plus libre possible du commerce des produits essentiels dans les moments difficiles comme celui-ci.
Commentant la note de politique, David Luke, Coordinateur du Centre africain pour la politique commerciale, de la CEA, déclare : il est clair que le droit commercial ne peut pas garantir l’ouverture des marchés en temps de crise comme la pandémie mondiale actuelle. Il est possible que le Secrétariat de la ZLECA et les Comités du commerce des marchandises et du commerce des services, lorsqu’ils seront opérationnels, réexaminent cette question et trouvent des solutions créatives.
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