Communiqué - Les ministres africains des finances lancent un appel immédiat à la mobilisation d’une aide d’un montant de 100 milliards de dollars et conviennent que la crise est profonde et que la reprise prendra beaucoup plus de temps


Deuxième réunion en ligne, tenue le 31 mars 2020

Face à l’apparition de l’épidémie à coronavirus en Afrique, la deuxième réunion en ligne des ministres africains des finances a eu lieu le 31 mars 2020, à la suite de la première réunion tenue le 19 mars 2020. À cette dernière date, il y avait 633 cas confirmés de contamination au coronavirus dans 35 pays, dont 17 décès. Au 31 mars 2020, le nombre de cas confirmés était passé à 5 318 et celui des décès à 175 dans 46 pays. L’Afrique du Sud, l’Algérie et l’Égypte sont les trois pays les plus touchés.

Les ministres ont attesté que les pays étaient en train de mettre en place des mesures appropriées pour atténuer la propagation de la maladie à coronavirus 2019 (COVID-19) et ses effets négatifs. Ils ont souligné que la priorité était de sauver des vies en poursuivant les efforts de sensibilisation, en gérant les conséquences sociales de l’éloignement social et du confinement et en mettant l’accent sur les groupes de population les plus vulnérables.

La réunion était axée sur cinq questions principales : la crise sanitaire et humaine, la nécessité de procéder à l’allègement de la dette et à la relance de l’économie par des mesures budgétaires pour tous les pays, l’octroi d’une aide en liquidités au secteur privé et en particulier aux secteurs des services, du tourisme, des compagnies aériennes et des petites et moyennes entreprises, l’appel à la coordination des cadres de politique commerciale et l’utilisation des technologies de l’information et des communications pour mieux gérer la crise, depuis les activités de sensibilisation jusqu’à la promotion du principe de responsabilité et de la transparence en passant par les mesures d’appui.

 

La crise sanitaire et humanitaire

Les ministres ont convenu que les mesures les plus importantes à prendre consistaient à veiller à ce que les pays apportent l’appui nécessaire aux travailleurs sanitaires de première ligne, tels que les infirmières et les médecins, et qu’ils aient accès à un nombre suffisant de fournitures, notamment de kits de dépistage, de masques, d’installations d’isolement et de respirateurs artificiels. Ils ont également convenu que les données d’expérience des pays et des régions où le virus avait déjà eu des effets dévastateurs accentuaient la nécessité de le combattre par des approches embrassant « l’ensemble de la société et de l’économie ».

Les ministres ont demandé que les Africains de tous les horizons fassent preuve d’initiative, de solidarité et de créativité, notamment les représentants des secteurs public et privé, de la société civile, des chefs religieux, des médias et des personnes ayant une influence sur la société, pour échanger des messages de santé publique exacts et responsables et pour fournir des informations claires sur les mesures de lutte nécessaires.

Les ministres ont souscrit à l’appel à financer les initiatives de l’OMS et d’autres initiatives sanitaires, notamment dans les domaines des achats, de la recherche, des vaccins, de la fabrication de la logistique et des soins curatifs, ainsi que du renforcement des systèmes de santé. Ils ont convenu que pour ce faire, il faudrait renforcer la coordination entre toutes les institutions d’intervention rapide, en particulier le Bureau régional pour l’Afrique de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et les Centres de contrôle et de prévention des maladies de l’Union africaine (CDC Afrique), et tous les réseaux mondiaux tels que l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI), le Fonds mondial, etc. Les ministres ont réaffirmé que pour relever le défi de la coordination de la réponse sanitaire mondiale dans les domaines des vaccins, des données, de la recherche et de l’achat de médicaments essentiels, du matériel vital de lutte contre le COVID-19 tel que les kits de dépistage, les respirateurs artificiels et les masques, on pourrait mettre en place un centre d’achat central pour gérer les opérations en collaboration avec l’OMS.

Les ministres ont également souscrit à l’appel lancé par l’Union africaine en faveur de la coordination des mesures continentales de lutte contre le COVID-19, notamment celles visant à stimuler la production mondiale et à améliorer la disponibilité des produits et équipements médicaux. Les mesures de lutte contre le COVID-19 annoncées par le Bureau de la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine tendaient à favoriser la mise en œuvre de la stratégie continentale commune de l’Union africaine et des CDC Afrique contre le COVID-19, qui serait dirigée par le Groupe spécial de l’Afrique pour le coronavirus (AFTCOR) et le système de gestion des incidents des CDC Afrique.

 

Allégement de la dette et relance budgétaire pour tous les pays

Les ministres ont mis en exergue le lourd tribut que représentera le ralentissement économique mondial pour l’économie africaine et qui fera de la relance budgétaire un impératif pour contenir la crise. Ils se sont félicités de l’appel lancé par le FMI et la Banque mondiale aux créanciers bilatéraux officiels pour qu’ils accordent un répit aux pays en cette période où les économies mondiale et africaine sont au point mort. Ce répit devrait être accordé par les autres créanciers et étendu aux pays de la région pendant cette période exceptionnelle.

Les ministres ont donc demandé le déblocage urgent et immédiat des 100 milliards de dollars É.-U. dont 44 milliards seront consacrés à l’allégement de la dette de tous les pays africains. Ils ont également indiqué que si la crise devait se poursuivre, 50 milliards de dollars supplémentaires pourraient être nécessaires pour la reconstruction en 2021. Ce montant devra tenir compte de la poursuite de la suspension du paiement des intérêts.

Les ministres ont spécifiquement appelé le FMI à reconnaître qu’il faut mettre à disposition des ressources additionnelles, sachant que le Fonds prévoit de doubler l’accès à ses facilités de financement d’urgence. En outre, ils ont demandé instamment au Fonds de faire en sorte que les pays puissent accéder à ce financement supplémentaire dans la mesure où ils continueraient à solliciter l’appui du fonds dans un proche avenir.

Notant qu’il serait nécessaire d’augmenter substantiellement les ressources de prêt du Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance, les ministres ont exhorté les membres du FMI qui ne prévoient pas de se servir de leurs droits de tirage spéciaux (DTS) à des fins de liquidité à les utiliser pour reconstituer les comptes de prêts du Fonds.

Étant donné l’urgence avec laquelle les ressources sont requises, les ministres ont proposé que les 100 milliards de dollars puissent être déboursés de la manière suivante :

  1. Pour le secteur public, consacrer les décaissements à la dette du secteur public et au paiement des intérêts, y compris ceux sur les obligations souveraines. Cela permettrait aux pays de disposer immédiatement d’une marge de manœuvre budgétaire et de liquidités. Les décaissements de 44 milliards de dollars devraient être mis en commun dans une structure de titrisation mondiale qui serait utilisée pour le service de la dette extérieure à des fins de gestion efficace jusqu’à ce que la reprise économique s’installe et qu’un accord puisse être trouvé avec les créanciers. Cela permettrait de garantir l’absence de défaillance des pays tout en offrant à ces derniers la marge de manœuvre budgétaire nécessaire pour faire face à la crise.

  2. Comme instrument possible pour soutenir ce processus, mais aussi pour mettre à disposition des liquidités supplémentaires, qui serviraient notamment à l’achat de produits de base, de denrées alimentaires, de carburant, de produits pharmaceutiques et de fournitures médicales essentielles, les ministres ont demandé instamment au FMI, en particulier, d’accroître la disponibilité des droits de tirage spéciaux (DTS) pour les pays africains au cours des deux à trois prochaines années. Cela permettrait non seulement d’assurer le service de la facilité d’allégement de la dette, mais aussi de fournir aux pays et aux entreprises les liquidités dont ils ont tant besoin.            

Les ministres ont noté que le plan de relance économique à moyen terme annoncé par les pays africains équivalait à 0,8 % de leur produit intérieur brut (PIB), soit un dixième du niveau moyen de relance des pays développés, qui s’élève à 8 % de leur PIB.

 

Allègement de trésorerie en faveur du secteur privé, en particulier les services, le tourisme et les compagnies aériennes

Soulignant la fragilité du secteur privé africain, en particulier des PME qui en représentent les 70 %, les ministres ont insisté sur l’importance du tourisme et du transport aérien, ainsi que d’autres services, et ont demandé que des efforts particuliers soient déployés pour répondre à leurs besoins. Ils ont en outre souligné la nécessité de défendre l’ensemble des compagnies aériennes, de les protéger et de préserver leurs activités, étant donné leur contribution importante au PIB de l’Afrique.

Les ministres ont appelé le G20, l’Union européenne et toutes les institutions de financement du développement à apporter leur concours au secteur privé africain, sous forme de refinancement, de rééchelonnement, de mécanismes de garantie et de facilités de trésorerie.

Plus de 50 millions d’emplois pourraient être menacés si le secteur agricole venait à cesser toute activité. Les ministres ont noté que la crise continuait de faire des ravages sur l’emploi ; même les emplois du secteur agricole sont de plus en plus menacés, en raison de leurs liens avec les secteurs des services et de l’industrie manufacturière. Les ministres ont reconnu que les efforts des institutions de financement du développement visant à accompagner les forces du marché n’avaient pas été suffisamment anticycliques lors des crises précédentes. Appelant à un changement d’approche, ils ont encouragé ces institutions à accélérer leur soutien au secteur privé, en particulier aux petites et moyennes entreprises, afin d’atténuer l’impact de la crise.

Les ministres ont exhorté ces institutions à permettre le report de certains remboursements et à créer un mécanisme de « rebondissement amélioré », à sauver les entreprises et les travailleurs de la faillite et à protéger les efforts de transformation économique antérieurs, afin que la reprise soit à la fois plus rapide et meilleure. À cet égard, ils ont demandé que l’Union européenne utilise en particulier ses facilités de garantie et de refinancement, qui s’élèvent à plus de 7 milliards de dollars, pour soutenir les crédits et garanties commerciaux et le rééchelonnement de la dette et des intérêts pour le secteur privé. Cela pourrait être fait dans le cadre de la facilité de liquidité déjà annoncée de la Banque centrale européenne, avec le soutien de la Banque européenne d’investissement et par le biais de mécanismes bilatéraux.

 

Coordination des politiques commerciales

Les ministres ont fait observer que le commerce resterait un élément important du cadre de résilience et qu’à ce titre il devrait également être protégé pour permettre aux pays de rebondir plus rapidement. Pour faciliter la livraison des équipements et des fournitures nécessaires à la lutte contre le COVID-19, et afin de limiter l’impact négatif de la pandémie sur les économies africaines, les ports et les couloirs de transport à travers le continent devraient bénéficier de mesures de facilitation renforcées, y compris des « voies vertes pour le dédouanement rapide des fournitures médicales, un soutien aux travailleurs du transport et des mesures pour réduire la bureaucratie douanière ».

À cette fin, les ministres ont demandé à la CEA, à la CNUCED, à la Banque mondiale et à tous les partenaires de les aider à maintenir l’ouverture des échanges commerciaux, et ont appelé les pays à prendre les mesures suivantes :

  1. Suspendre d’urgence les droits de douane sur les importations de fournitures médicales essentielles à la lutte contre le COVID-19 ;

  2. Aménager des couloirs commerciaux et humanitaires pour permettre un commerce continu ;

  3. Utiliser la voie diplomatique pour plaider contre l’imposition par certains pays de limites à l’exportation de fournitures médicales essentielles à la lutte contre le COVID-19.

Les Ministres ont en outre engagé les pays à collaborer pour soutenir la participation potentielle du secteur privé africain à la lutte contre le COVID-19 en mettant en œuvre les mesures suivantes :

  1. Communiquer rapidement les changements apportés aux procédures sanitaires et appliquer ces procédures de manière unifiée ;

  2. Assurer le mouvement international des experts sanitaires et techniques essentiels ;

  3. Aider les entreprises africaines à accéder à la propriété intellectuelle de la médecine d’urgence ;

  4. Mettre en commun et partager les normes de qualité médicale pour accélérer les tests et l’approbation de sécurité, notamment par l’intermédiaire de l’Organisation africaine de normalisation ;

  5. Lancer des partenariats public-privé d’urgence pour les fournitures médicales ;

  6. S’attacher à maintenir ouvertes les liaisons de transport.

 

Utilisation des TIC pour donner aux décideurs et aux citoyens les moyens d’agir en faveur d’une transparence, d’une responsabilisation et d’une efficacité accrues

Les Ministres, reconnaissant qu’il importe de disposer d’installations Internet et de télécommunications fiables, ont demandé à la Commission économique pour l’Afrique de collaborer avec les opérateurs de télécommunications pour étudier comment ces plateformes pourraient être utilisées pour améliorer la communication d’informations, sensibiliser à l’importance de la distanciation sociale et, surtout, apporter une assistance mieux ciblée aux plus vulnérables. Toutes ces mesures doivent être programmées dans le cadre de budgets et de processus de passation de marchés ouverts reposant sur les meilleures pratiques, un espace important étant réservé à la société civile africaine et au secteur privé afin qu’ils puissent suivre les flux financiers dans le cadre de budgets ouverts, nouer des partenariats et veiller à ce que les fonds parviennent à leurs destinataires.

Outre ces mesures visant à accompagner les petites et moyennes entreprises et le secteur privé, il importe de multiplier les filets de sécurité sociale, notamment pour les transferts numériques en espèces et en nature, afin de renforcer la résilience en ces temps de stress partagé et cumulatif. Les Ministres ont engagé les partenaires du secteur des technologies financières en Afrique et dans le monde à contribuer à la rationalisation des technologies, des services financiers et des outils de distribution numérique pour faire face à l’urgence actuelle.

Les Ministres ont demandé à la CEA d’agir de concert avec le secteur privé pour atténuer les difficultés auxquelles le secteur est confronté, en particulier les compagnies aériennes et l’industrie du tourisme. Une telle démarche nécessiterait, entre autres mesures, que le secteur privé participe aux travaux sur les mécanismes de garantie financière.

 

PROCHAINES ÉTAPES

Les Ministres ont souligné que, d’ici le 12 avril 2020, les mesures qu’ils appellent de leurs vœux doivent être mises en place et faire partie des résultats des manifestations ci-après, à l’occasion desquelles le soutien à l’Afrique devrait être officialisé :

  1. L’initiative des parties prenantes de la Banque mondiale, qui sera examinée lors de la réunion du Comité du développement de la Banque mondiale le 15 avril 2020, pour annoncer un appui supplémentaire aux pays en développement ;

  2. L’initiative des parties prenantes du FMI, qui sera examinée lors de la réunion du Comité monétaire et financier international le 15 avril 2020, pour apporter un soutien macroéconomique aux pays en difficulté.

En conclusion, les Ministres ont remercié tous les citoyens et agents de santé africains déjà en première ligne - les véritables héros du continent - pour leur sacrifice et leur dévouement.


[Version arabe]


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