Yaoundé, 24 septembre 2018 (CEA www.uneca.org/fr/sro-ca) – Du Tchad à la République Démocratique du Congo, les économies de l’Afrique Centrale doivent s’industrialiser pleinement afin de garantir leur survie. Cependant, pour ce faire, les États membres devraient systématiquement prendre un ensemble cohérent de mesures et coordonner un large éventail d’acteurs dans le cadre de la mobilisation des ressources nécessaires, et de la manière la plus innovante, la plus pratique et la plus favorable pour les activités génératrices de revenu, tel est l’avis des délégués de la 34ème session du Comité Intergouvernemental d’Experts (CIE) pour l’Afrique Centrale qui s’est achevée dans la capitale tchadienne.
La session a été convoquée par la Commission Économique pour l’Afrique (CEA) en association avec le Gouvernement du Tchad.
Pendant quatre jours, les experts issus des secteurs public et privé en communion avec les partenaires de développement ont mené des réflexions sur la manière concrète de mobiliser des fonds pour le financement de l’industrialisation, dont l’exploitation des richesses naturelles et l’optimisation de l’ensemble adéquat des infrastructures pour contrecarrer les facteurs contraignants.
Rôle central du secteur public
Les experts ont déterminé que l’industrialisation requiert des visions claires, des institutions robustes, des cadres judiciaires et réglementaires prévisibles, un cadre macro-économique sain et un leadership ciblé pour piloter les changements révolutionnaires. Le secteur public, grâce à son pouvoir de coordination, d’information, de formation affecte des ressources aux biens publics et crée le meilleur environnement propice capable d’être un catalyseur pour l’essor des secteurs de production.
Les participants de la session du CIE ont déclaré que le secteur public doit fournir des informations ponctuelles aux acteurs sur les voies et moyens d’améliorer la mobilisation de l’épargne nationale (qui demeure faible dans la sous-région), d’orienter les citoyens sur les divers canaux par lesquels ils peuvent accroitre les rentrées d’argent requises pour les industries.
Ils ont reconnu que le secteur public doit également apporter l’appui nécessaire au secteur privé encore embryonnaire en Afrique Centrale, notamment les législations en matière de passation de marché, la fourniture des contenus locaux et d’autres exigences de rendement pour garantir en particulier l’intégration des petites et moyennes entreprises dans la chaîne de valeur. Les experts ont par ailleurs soutenu que le capital passif peut être acheminé vers le secteur de production si les citoyens ont une meilleure appréhension de la manière, du moment et du lieu où ils peuvent épargner de l’argent susceptible de financer les industries.
Dans le même sillage, les experts ont reconnu que l’élaboration des plans directeurs d’industrialisation relève de la compétence des gouvernements, tandis que la responsabilité d’insuffler la vie auxdits plans incombe au secteur privé et aux autres acteurs. Il a été relevé avec satisfaction qu’un plan directeur d’industrialisation qui décrit les écosystèmes externes et internes de financement a déjà vu le jour au Cameroun. Les participants se sont également réjouis des efforts consentis par la RDC relativement à l’exploitation du cobalt pour la promotion d’une industrialisation tirée par les ressources.
Les participants ont invité les gouvernements à encourager et à maintenir le dialogue avec le secteur privé et d’autres acteurs pour garantir une plus grande appropriation des visions et stratégies d’industrialisation.
Au chapitre de la fiscalité, les États ont été invités à informer massivement les citoyens sur les systèmes fiscaux en vigueur et à œuvrer à l'élargissement de leurs assiettes fiscales. Selon les experts, des systèmes d’imposition simplifiés (par exemple, l’utilisation de taux forfaitaires) permettraient de retenir certaines ressources du secteur des formels.
Les États membres devraient également s’intéresser aux opportunités qu’offre une urbanisation rapide. Les gouvernements peuvent, par exemple, « taxer les gains en capital réalisés par les individus qui acquièrent des propriétés immobilières qui par la suite prennent de la valeur du fait d’infrastructures (routières ou autres) qui sont mises en place au fil du temps par l’Etat ».
Il a été clairement établi qu’un corps d’administrateurs fiscaux plus aguerri aiderait à mobiliser davantage de ressources fiscales et que les États devraient donc optimiser la formation de ces administrateurs.
Dans tous ces cas, la déclaration finale de la session a souligné que « le secteur public doit veiller au maintien d’une fiscalité favorable à l’investissement des entreprises locales, car il est bien connu que trop d’impôt tue l’impôt ».
Mobiliser des financements innovants et s’arrimer à ce qui fonctionne ailleurs
De nombreux fora mondiaux et régionaux ont soulevé un large éventail de questions sur le financement pour le développement, mais il est temps de passer des idées à l’action. Ayant convenu de cette réalité, les parties prenantes ont estimé que les fonds de pension, les fonds islamiques, les fonds d’investissements nationaux et étrangers et les fonds de garanties (pour les PME) figuraient au rang des sources innovantes de financement dont l’Afrique Centrale a urgemment besoin pour stimuler la croissance de ses industries.
Le péage de l’autoroute Nairobi-Nakuru au Kenya actuellement en cours d’extension est un cas d’école en matière de financement innovant. Ledit projet qui engouffre d’énormes investissements de 12 parties privées, dont les fonds de pension et les compagnies d’assurance, pourrait inspirer la sous-région dans sa quête de financements pour les projets industriels, selon l’avis des délégués.
Mettre les ressources et les infrastructures au service de l’industrialisation
Mobiliser des financements pour l’industrialisation ne revient pas simplement à rechercher de l’argent. Il s’agit également pour les pays de la sous-région d’exploiter les avantages comparatifs de leurs ressources naturelles afin de négocier la valeur ajoutée ou la transformation sur des bases qui leur permettront d’avoir un ancrage dans les chaînes de valeur régionales et mondiales.
Le Gabon par exemple, a proscrit l’exportation du bois brut et a mis sur pied 87 centres de transformation du bois qui procèdent au moins à « une première transformation » de tous les produits forestiers ligneux avant que ceux-ci ne quittent les côtes du pays. Le pays assure également la transformation de son manganèse avant toute exportation, et ce conformément à la Vision Minière Africaine.
Dans la même veine, il a été recommandé aux pays de la sous-région de tirer pleinement profit des sources de financement étrangères non-conventionnelles pour stimuler l’industrialisation axée sur les ressources. Le montant de 60 milliards de dollars promis par la Chine pour financer le développement de l’Afrique au cours des trois prochaines années, pourrait représenter une grande opportunité à saisir, mais avec de solides arguments locaux, ont-ils déclarés. Par ailleurs, l’annonce par la République Démocratique du Congo (RDC) de la mise sur pied d’une zone économique spéciale en vue de la promotion de l’exploitation du cobalt (la RDC détient 60% de la production mondiale) dans l’optique de stimuler la fabrication de batteries, voire de voitures électriques sur son sol, était une brillante illustration de la manière dont un tel financement peut bénéficier à la sous région.
Dans le même ordre d’idées, la conférence a appelé les pays de la sous-région à exploiter les infrastructures existantes pour opérationnaliser l’industrialisation.
« Le développement des infrastructures doit être en parfaite harmonie avec le développement industriel », a déclaré M. Antonio Pedro aux journalistes à la fin de la réunion, citant par exemple les parcs industriels de l’Éthiopie, où des plateformes sont mises à la disposition des investisseurs dans l’optique de leur permettre de produire à la hauteur du niveau de compétitivité requis afin d’occuper une place de choix dans la chaîne de valeur mondiale dans les secteurs tels que le textile et les vêtements, les produits en cuir, les produits pharmaceutiques et la transformation des produits agro-alimentaires, avec l’appui soutenu du Ethiopian Investment Board présidé par le Premier Ministre en personne.
Appliquer une théorie du changement à la sous-région
Les débats de la 34ème session du CIE ont également souligné que la capacité du Bureau Sous-régional pour l’Afrique Centrale à poursuivre fermement sa théorie du changement pour la diversification économique dépendait de l’industrialisation de la sous-région, tel qu’énoncé dans le Consensus de Douala.
« Le niveau de prise de conscience sur l’importance de la diversification économique comme issue de sortie du cycle de fluctuations en Afrique Centrale est sans ambigüité, comme l’illustre le fait que les pays, l’un après l’autre, sollicitent nos services pour que nous les assistions dans la formulation de leur stratégie de diversification économique », a déclaré M. Pedro.
« Il s’agit d’une tâche monumentale, et de ce fait, nos efforts consisterons à amener les différents partenaires autour de la table de négociations. Aujourd’hui, nos collègues de la commission de la CEMAC ont indiqué qu’ils travailleront en collaboration avec nous dans la poursuite de ce programme »
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