Dakar, Sénégal, le 25 octobre 2017 (IDEP) - Décideurs, universitaires, chercheurs et experts venus de gouvernements africains, d’organisations internationales et du secteur privé se sont réunis à Dakar le 25 octobre à l’IDEP, autour d’une table ronde de haut-niveau. Durant un panel présidé par Mme Karima Bounemra BEN SOLTANE, Directrice de l’IDEP, sont intervenus Dr. Serigne Gueye DIOP, Ministre-conseiller du Président de la République du Sénégal, Mr. Hatem FELLAH, agronome principal au bureau régional de la Banque Africaine de Développement à Dakar, Dr. Malick FAYE, expert pastoraliste au bureau de l’organisation des Nations Unies pour l’Agriculture et l’alimentation (FAO) et Dr. Belay Tizazu MENGISTIE, chercheur visiteur à l’IDEP. Les panélistes ont abordé les questions de sécurité alimentaire et de développement agricole et agro-industriel aux niveaux national et continental. Des études de cas de pays comme le Sénégal et l’Ethiopie ont permis d’aborder le sujet à travers des perspectives nationales. Les participants d’une audience attentionnée ont fait des contributions très pertinentes concernant l’urgente nécessité de renforcer les institutions publiques et communautaires, les politiques et les opérateurs économiques afin de garantir la sécurité alimentaire et la résilience pour l’Afrique.
« L’agriculture doit être perçue comme un catalyseur de plusieurs des actions pour l’atteinte des objectifs des agendas 2030 et 2063 en ce sens qu’elle doit nourrir l’Afrique mais aussi créer des d’emplois décents notamment pour les jeunes » dira Mme BEN SOLTANE. De plus, de l’avis de beaucoup de participants, l'agriculture en Afrique présente d’importantes opportunités, notamment seulement 50% des terres fertiles et 2% des ressources en eau utilisées pour une population jeune qui constitue un dividende démographique.
Selon Mme BEN SOLTANE, les politiques agricoles doivent refléter la vision transformatrice des économies africaines. Tous les pays africains ont lancé des visions transformatrices de leur agriculture, et l’Ethiopie n’est pas en reste. Une des préoccupations posées par certains participants était relative à la résilience des politiques agricoles. En effet, Monsieur le ministre-conseillé a rassuré que dans le cas du Sénégal, les politiques sont formulées sur une vingtaine d'année. Comme l’a exposé Mr. MENGISTIE, l’Ethiopie a créé en 2011 son agence pour la transformation agricole, prévue pour exister durant 15 à 20 ans, et lancé son plan de croissance et de développement agricole dont la deuxième phase 2016-2020 est en cours.
Pour la Directrice de l’IDEP, il ne suffit pas d’avoir des visions mais de renouer avec l’orthodoxie d’une bonne planification du développement notamment avec un bon suivi et une évaluation correcte des politiques agricoles. « Pour ce faire, une attention particulière doit être portée aux données statistiques qui permettront d’établir des baseline, de mesurer les progrès réalisés et de projeter sur l’avenir » ajoutera-t-elle.
Davantage d’investissements dans le secteur est nécessaire et fort heureusement, la dynamique actuelle d’augmentation des investissements innovants et de nouvelles approches pour développer le secteur agricole est à encourager. En effet, « La BAD est consciente de la nécessité de développer des partenariats et des co-financements pour réaliser les ambitions de développement du secteur agricole affichées », déclare M. FELLAH.
La FAO intervient pour permettre au continent d’atteindre la sécurité alimentaire à travers des programmes centrés sur le renforcement du rôle des chaines de valeur ; la connexion des petits producteurs aux marchés des intrants et des produits ; l’augmentation durable des rendements, de la production et des revenus ; le développement de synergies et de partenariats ; le renforcement de la résilience des communautés et des ménages agropastoraux.
La BAD quant à elle soutient la nécessité d’une transformation agricole à travers le continent et a mis en place, un programme prioritaire nommé « Nourrir l’Afrique » : « L’approche de la BAD est centrée sur le développement des chaînes de valeur tout en s’appuyant sur des catalyseurs comme la productivité, les infrastructures, le financement, l’autonomisation et l’emploi des jeunes » a relaté M. Hatem FELLAH. Selon lui, « la banque compte s’employer davantage dans l’accroissement du financement de l’agriculture africaine en vue d’une transformation structurelle tout en agissant aussi dans la gestion des risques à la production, le renforcement de la résilience, les partenariats, etc ».
« Toutes les actions de la FAO sont soutenues par des incitations à l’utilisation de technologies écologiques et durables des ressources en eau et foncières, le renforcement de l’innovation et de la recherche, la réduction des risques, le partage d’expériences, et le renforcement de capacités », déclare Dr. Faye.
Mettre à profit la technologie au service du développement agricole est le sacerdoce des décideurs africains. C’est ainsi que pour Dr. DIOP, conseiller du chef de l’Etat sénégalais, « l’Afrique a besoin de repenser le secteur agricole dans l’objectif de non seulement relever le défi de l’insécurité alimentaire mais aussi de faire face aux problèmes nutritionnels des enfants et des femmes, et notamment approvisionner le secteur industriel. Transformer les biens agricoles avant de les exporter doit être aussi un objectif pour la transformation des économies et, la technologie est à portée de main pour créer des variétés semencières répondant aux besoins nutritionnels ». C’est ce qui a poussé Dr Diop, maire de la commune de Sandiara (Sénégal), à mettre en place un agropole qui peut approvisionner en partie le pôle industriel de la même localité.
Bien qu’assurer la sécurité alimentaire fait partie des besoins plus urgents, les investissements agricoles ne doivent pas se limiter aux productions vivrières. Le développement d’autres filières permettrait d’éradiquer la pauvreté par l’augmentation des sources de revenus. En effet, la floriculture est considérée comme un secteur agricole émergent en Ethiopie, au Kenya, en Afrique du Sud, en Zambie, en Ouganda, en Tanzanie, et au Malawi. Suivants les résultats de l’étude du Dr. MENGISTIE, « l’Ethiopie a identifié l’industrie floricole comme l’une des industries pour l’atteinte des objectifs ambitieux du GTP (Growth and Transformation Plan) avec les incitations et le support politique du gouvernement. Ce secteur a connu un grand boom dans le pays et a fortement contribué à la croissance économique et à la création d’opportunités d’emploi » a-t-il déclaré. Cependant, selon lui, « si l’Ethiopie veut progressivement intégrer le marché des fleurs et créer plus d’emplois décents, il est nécessaire de relever les défis liés à la durabilité (utilisation des ressources en eau, pesticides, santé et sécurité des travailleurs, salaires), à l’environnement (gestion des déchets, utilisation de l’eau) et à la rigueur dans l’application des lois relatives à l’utilisation de certains types d’engrais chimiques. Cela aiderait à non seulement maintenir la durabilité de l’agriculture éthiopienne mais aussi de se conformer aux exigences de l’agenda 2063 de l’Afrique et contribuer à l’atteinte des Objectifs de développement durable à l’horizon 2030 ».
Renforcer les capacités des opérateurs agricoles et former les jeunes et les femmes pour renforcer leur autonomie et leur résilience est tout aussi fondamental dans les interventions des institutions publiques et privées. « La FAO, mène plusieurs actions en faveur du partage du savoir et d’expériences entre les acteurs et les pays et le renforcement de capacités avec les programmes de filets sociaux », d’après Dr. FAYE. A ces efforts s’ajoutent aussi ceux de la BAD en matière d'assurance-risque au profit des producteurs.
« Les programmes de renforcement de capacités et de formation permettront aux opérateurs économiques et à la jeunesse africaine d’avoir des qualifications techniques pour auto-entreprendre dans le secteur agricole afin de permettre au continent d’éradiquer le chômage des jeunes et la pauvreté », c’est le point de vue de Dr. Diop, qui a mis en place un lycée technique agricole dans sa commune et encourage vivement la création d’école de formation technique et professionnelle pour les jeunes africains pour les former dans les métiers agricole et agro-industriels.
Les discussions ont permis de noter d’importantes recommandations pour une transformation de l’agriculture à travers le continent, notamment l’urgente nécessité de renforcer la Recherche-Développement et la Recherche-Action en Afrique, l’amélioration du système de collecte des statistiques agricoles et la capitalisation des expériences des acteurs.
La table ronde de haut niveau était organisée dans le cadre de la série de séminaires sur le développement de l’Institut Africain de Développement Economique et de Planification (IDEP) et a contribué à la réflexion sur les voies et moyens pour un développement agricole, la souveraineté alimentaire et la transformation structurelle des économies en Afrique.
Pour plus d’informations, visitez www.unidep.org ou contacter a.sanghare@unidep.org.