Présentations

Rompre le statu quo: l’impératif de l’appropriation et du contrôle par les pays des systèmes nationaux d’enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil

La plupart des gouvernements africains connaissent mal les populations dont ils sont responsables. Les administrations publiques et les institutions prestataires de services sociaux ne disposent pas de données et de renseignements personnels de base, nécessaires à la gestion et au suivi des ressources publiques. La plupart des individus en Afrique et en Asie naissent et meurent sans laisser de traces dans un registre légal et sans faire l’objet de statistiques officielles, ce qui rend d’autant plus difficile pour l’administration publique la gestion et le suivi de son capital humain. Le Groupe de travail sur le suivi des événements de l’état civil a qualifié cette situation de « scandale de l’invisibilité », car l’absence de données fiables sur les naissances ainsi que sur les décès et leurs causes fait que la majorité des pauvres de la planète sont invisibles, impossibles à compter et par conséquent non comptabilisés.Dans certains pays africains, l’enregistrement systématique des événements de l’état civil (naissances, décès, mariages et divorces) remonte aux XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles (1667 à Maurice, 1839 en Égypte, 1842 en Afrique du Sud et 1888 au Ghana, pour ne citer que quelques exemples). Cependant, à deux ou trois exceptions près, les systèmes d’enregistrement des faits d’état civil des pays africains accusent trop de retard par rapport aux normes internationales pour que leurs services soient en mesure d’appuyer les activités de mise en place et de soutien du développement multisectoriel national.

En Afrique, l’absence de système intégré d’enregistrement des faits d’état civil a été, et est encore, une entrave aux efforts de développement, empêchant les pays d’améliorer l’efficacité de leurs services publics et de disposer des données nécessaires à la gestion des résultats du développement, notamment les OMD. La plupart des pays du continent ne disposent d’aucun système documentaire juridique adéquat pour renseigner l’identité et la citoyenneté de leurs populations, système qui devrait servir de base à toutes les transactions publiques à l’échelle individuelle, communautaire, nationale, interétatique, régionale et internationale. Les systèmes d’identification nationaux, le contrôle des passeports et de l’immigration, les transactions commerciales, la protection des femmes et des enfants contre les abus et l’exploitation, l’administration de la justice civile et pénale, par exemple, sont hautement tributaires du bon fonctionnement du système d’enregistrement des faits d’état civil. Le système de gestion et d'information concernant les services de santé en Afrique est l’autre pilier du développement qui souffre de l'absence de systèmes d'enregistrement des naissances ainsi que des décès et de leurs causes ou, lorsqu’ils existent, de leurs insuffisances. Les programmes de décentralisation et les processus de démocratisation en cours dans la plupart des pays africains pâtissent aussi du fait que les systèmes de statistiques de l’état civil manquent de données conventionnelles et pertinentes concernant la dynamique démographique.

Il est temps pour l'Afrique de briser le silence qui entoure l'enregistrement des faits d'état civil. Dans la plupart des pays du continent, l'enregistrement de ces faits relève généralement du ministère chargé des affaires intérieures ou de la justice, ou de ministères équivalents. Pareillement, dans presque tous les États membres, ce sont les services nationaux de statistique qui gèrent les statistiques de l’état civil provenant des systèmes d'enregistrement des faits d'état civil. Dans la plupart des pays, les ministères ou services qui en sont chargés privilégient les tâches opérationnelles quotidiennes et n’accordent pas l’attention voulue aux aspects globaux et multisectoriels de l’enregistrement des faits d’état civil. Par ailleurs, l’activité des services nationaux de statistique se focalise sur les produits des systèmes (tels les statistiques de l’état civil) plutôt que sur les systèmes eux-mêmes . Ces problèmes intrinsèques, qui se posent aux pays depuis presque un demi-siècle, s’ajoutent à des interventions extérieures axées sur les projets et caractérisées par l’absence de coordination, pour enfermer les systèmes dans un cercle vicieux d'ignorance et d’immobilisme.

Après de longues années de désintérêt, la Commission économique pour l'Afrique (CEA), de concert avec la Banque africaine de développement (BAD) et des organisations internationales et régionales clefs, a franchi un premier pas décisif vers la rupture du statu quo en organisant, en juin 2009 à Dar es-Salaam (Tanzanie), le premier atelier régional sur les systèmes d'enregistrement des faits d'état civil et de statistiques de l’état civil. L'atelier avait réuni des représentants des deux groupes d’organismes nationaux concernés que sont les agences nationales d'enregistrement des faits d'état civil et les services nationaux de statistique. Les participants avaient adopté des recommandations générales concernant la sensibilisation, les problèmes opérationnels et les questions techniques et de partenariat. Ces recommandations servent actuellement de feuille de route pour les activités liées à l'enregistrement des faits d'état civil et aux statistiques de l’état civil en Afrique.

Les participants à l'atelier régional avaient indiqué que l'un des principaux obstacles à l'amélioration de ces systèmes dans la région était l’absence d'engagement politique et le peu de maîtrise par les pays des initiatives relatives à l'enregistrement des faits d'état civil et aux statistiques de l’état civil. Ils avaient par conséquent vivement recommandé la tenue, sans délai, d'une conférence ministérielle de haut niveau. Les participants à la deuxième réunion de la Commission africaine de statistique (StatCom Afrique II), en janvier 2010, ont fait leurs les recommandations de l'atelier et soutenu dans leurs résolutions la tenue de la conférence ministérielle de haut niveau proposée.

En conséquence, la première Conférence des ministres africains chargés de l'enregistrement des faits d'état civil devrait se pencher sur les problèmes cruciaux, restés longtemps sans solution dans la région, des systèmes d'enregistrement des faits d'état civil et de statistiques de l’état civil et décider des mesures qui guideront les actions de la région dans les années à venir. Ladite Conférence se tiendra le 13 et 14 août 2010 au Centre de conférences des Nations Unies à Addis-Abeba (Éthiopie). Elle sera précédée d’une réunion de groupe d'experts chargée d'établir les documents techniques et les projets de résolutions et de recommandations pour la Conférence ministérielle. Le thème de la Conférence,« Vers une amélioration des systèmes d’information des faits d'état civil en vue d’une administration publique et d’une production de statistiques efficaces pour le développement national et le suivi des OMD en Afrique »,a ainsi été conçu de manière à rendre compte du caractère intégré des systèmes d'enregistrement des faits d’état civil et de statistiques de l’état civil, des relations entre leurs composantes, des engagements éventuels qu’ils exigent, ainsi que de leurs structures, fonctions et objectifs. Il vient à point nommé, dans la mesure où la Conférence bordera des sujets concernant le suivi et l'évaluation des progrès, ou du manque de progrès, dans la réalisation des OMD, qui seront traités lors de l'examen de 2010.

L’enregistrement des faits d’état civil est d’intérêt public!

 

  Groupe de travail MoVE, Lancet Series 2007.