Contexte

Depuis le début des années 90, le taux de croissance en Afrique a progressé à un rythme élevé. Mais la récession mondiale de 2008-2009 a porté un coup d’arrêt à ces résultats remarquables. En dépit de la gravité de cette récession alimentée par la crise financière et économique de 2007-2008, l’Afrique ne s’est pas enfoncée dans la dépression; elle a en revanche enregistré un ralentissement considérable de son économie. Du fait de la crise mondiale, la croissance moyenne de l’économie africaine s’est établie autour de 2 %, soit une baisse notable par rapport aux taux de 5 % à 7 % enregistrés auparavant. Malgré les actuelles turbulences de la zone euro, la crise financière de 2007-2008 appartient désormais au passé et une forte relance de l’économie africaine s’amorce, avec des perspectives de croissance estimées à entre 5 % et 7 % à partir de 2012-2015.

Il est intéressant de noter que, sur les dix pays dont la croissance économique est la plus rapide au monde, six (Éthiopie, Ghana, Mozambique, République démocratique du Congo, Tanzanie, et Zambie) sont africains. Ces derniers affichent un taux de croissance d’au moins 7 %. L’optimisme que suscite l’économie africaine dans le monde a conduit certains commentateurs à lui prédire une croissance moyenne qui dépasserait celles des économies asiatiques dans les cinq ans à venir. Le magazine de renom The Economist, qui qualifiait l’Afrique de continent sans espoir il y a dix ans, en met aujourd’hui en avant les perspectives économiques et voit dans la région le continent de l’espoir.

La croissance récente de l’Afrique peut s’expliquer par un certain nombre de facteurs, dont: i) la mise en œuvre de politiques macroéconomiques prudentes telles que la réduction de l’endettement, une politique monétaire faiblement inflationniste et l’amélioration du climat d’investissement ; ii) la flambée des prix de produits de base après 2002 et la hausse de la production pétrolière et iii) l’accroissement des entrées de capitaux étrangers (capitaux privés et investissements directs étrangers).

À la différence d’autres parties du monde où une croissance soutenue a permis dans une large mesure d’accélérer la transformation économique, on constate que la croissance relativement bonne en Afrique n’a pas profité au plus grand nombre, puisque des millions d’Africains sont enfermés dans le cercle vicieux de la pauvreté. La raison principale en est l’absence de diversification des sources de croissance et, notamment, la persistance d’une trop forte dépendance vis-à-vis des exportations de produits primaires. Par ailleurs, la croissance s’est opérée en grande partie sans créer d’emplois et s’est même accompagnée d’une montée des inégalités dans certains pays. En outre, les importantes ressources naturelles de l’Afrique sont extraites et exportées à l’état brut et non sous forme de produits finis. Par conséquent, aucune valeur n’est ajoutée aux exportations de produits de l’industrie extractive du continent.

C’est une grande occasion manquée de réaliser un développement économique plus robuste, plus diversifié et plus durable. Il s’y ajoute que certaines de ces ressources représentent un avoir irremplaçable et non renouvelable et que leur exploitation entretient généralement peu de liens avec le reste de l’économie, d’où une contribution au PIB plus faible que ce qu’elle pourrait être. En outre, sa dépendance vis-à-vis des exportations de produits primaires laisse l’Afrique à la merci tant des fluctuations des prix mondiaux des matières premières que de l’instabilité économique qui en résulte.

Pour transformer profondément les économies africaines et permettre le passage du statut actuel de pays à faible revenu à celui de pays à revenu intermédiaire, il est primordial d’ajouter significativement de la valeur au grand réservoir de ressources naturelles et agricoles du continent. Pareil apport donnerait un formidable coup de pouce à la performance économique des pays et permettrait à de nombreux Africains de sortir de la pauvreté grâce à la création d’emploi et de richesse. L’augmentation de la demande de ressources naturelles africaines, conjuguée à l’urbanisation croissante et à la hausse de la demande par les consommateurs de produits finis en Afrique, offre la chance d’une industrialisation fondée sur l’exploitation des ressources. De fait, l’Afrique peut augmenter sa production de produits à plus forte valeur ajoutée.

L’industrialisation accélérée de l’Afrique pourrait favoriser l’expansion des échanges au sein du continent et entre ce dernier et le reste du monde grâce à la diversification des exportations. En outre, la création d’une industrie agroalimentaire dans les zones rurales africaines pourrait contribuer à affranchir un grand nombre d’Africains de la pauvreté. Des données montrent que de nombreux pays africains riches en ressources naturelles sont restés pauvres, tandis que d’autres pays, qui disposent de peu de ressources naturelles, sont devenus riches en mettant en œuvre des politiques qui promeuvent la valeur ajoutée, ce qui prouve que la prospérité et la réduction de la pauvreté sont le résultat de choix politiques judicieux. Les pays africains devraient donc profiter des possibilités croissantes qui s’offrent à eux pour promouvoir l’industrialisation.

Malgré les progrès réalisés dans un certain nombre de pays, l’industrialisation reste un défi en Afrique. Tout d’abord, l’agriculture n’a pas été modernisée et la base industrielle est très faible sur le continent. Le secteur manufacturier y est dominé par des activités artisanales qui, relevant essentiellement du secteur informel, ont une incidence négligeable sur la plupart des économies africaines, d’où le retard de l’Afrique par rapport aux autres régions en développement en termes de performance industrielle. Deuxièmement, les exportations sont très peu diversifiées, la plupart des pays africains continuant d’exporter des produits peu élaborés. À l’heure actuelle, c’est un petit groupe de pays (Afrique du sud, Tunisie, Maroc et Égypte) qui domine le secteur manufacturier africain et parvient, dans une certaine mesure, à diversifier ses exportations. Troisièmement, de nombreux pays africains sont enclavés et, de ce fait, confrontés à des coûts de transport élevés et à une faible densité économique. Ils se trouvent ainsi isolés des grands pôles de croissance. Les marchés sont modestes et fragmentés dans les différentes régions du continent.

Les agglomérations industrielles, tout comme la diversification, ne sont pas très courantes en Afrique. D’après le Rapport économique sur l’Afrique de 2007, la plupart des pays africains en sont encore au premier stade du développement industriel et devraient s’efforcer de diversifier leurs économies avec des produits à forte valeur ajoutée, en tirant parti de leurs richesses minérales et agricoles.

Il faudrait en outre que l’Afrique participe davantage à diverses chaînes de valeur mondiale, en commençant par l’extraction de ressources naturelles et l’agro-industrie et en intégrant plus tard d’autres valeurs ajoutées mondiales pour pouvoir créer de la richesse et de l’emploi. Si elle veut voir ses efforts de diversification aboutir, l’Afrique doit mettre en place de nouvelles politiques industrielles qui favorisent l’exploitation de son potentiel industriel.

Le succès d’un programme d’industrialisation est conditionné par la création d’un climat porteur qui améliore les capacités et les potentialités internes, en ce qui concerne surtout les infrastructures physiques et sociales, le capital humain, les systèmes financiers, la recherche-développement, la technologie et la gouvernance. En outre, les pouvoirs publics devraient mettre en place des cadres réglementaires pour remédier aux insuffisances du marché. La création d’un tel environnement favorable permettra de réaliser le plein potentiel du secteur privé africain dans une économie industrialisée. L’approfondissement de l’intégration régionale est aussi susceptible d’aider l’Afrique à s’attaquer à certains problèmes auxquels elle fait face dans son programme d’industrialisation.

Il faut reconnaître que les entrepreneurs africains continuent de se heurter à de grands obstacles réglementaires et administratifs. Par rapport à d’autres régions du monde, la protection des droits de propriété et de l’investissement reste faible. En dépit des améliorations enregistrées dans certains pays, faire des affaires en Afrique est rendu difficile par les coûts élevés de transaction à laquelle les entrepreneurs sont confrontés du fait de la taille réduite des marchés et de leur caractère fragmenté, de procédures administratives lourdes et interminables, de goulets d’étranglement bureaucratiques et d’infrastructures physiques et financières insuffisantes.

Il faudrait donc instaurer des politiques susceptibles d’appuyer le développement du secteur privé africain. En effet, un secteur privé crédible contribuerait à la croissance économique et à la réduction de la pauvreté en favorisant la modernisation de l’économie informelle sous-développée en zone rurale et urbaine. En outre, les vastes ressources inexploitées du continent et sa main-d’œuvre abondante permettent de développer ce secteur et d’attirer des investissements privés. L’Afrique offre également des marchés non encore exploités, sans parler de tous les avantages liés à des économies émergentes et des possibilités attrayantes de diversifier les investissements.