Résoudre le problème de l’endettement extérieur de l’Afrique pour financer le développement

Table des matières

Antécédents

Questions soulevées lors de la réunion

La voie à suivre

Antécédents

1. A sa dernière session, tenue le 1er juin 2003 à Addis-Abeba (Ethiopie), la Conférence des ministres africains des finances, de la planification et du développement économique (la Commission) a reconnu que la dette intérieure était une question critique et recommandé qu’elle soit prise en compte dans les efforts visant à assurer la viabilité globale de la dette. Elle a invité les États membres à prendre l’initiative de concevoir des politiques et instruments qui constitueraient la prochaine étape de l’action menée par la communauté internationale en vue de réduire le fardeau de la dette de l’Afrique. A cet égard, la Conférence des ministres s’est félicitée que le secrétariat de la CEA ait proposé de réunir un groupe d’experts africains en 2003 pour examiner les stratégies de réduction de la dette de l’Afrique ; cette réunion devait être suivie par une conférence internationale sur la dette de l’Afrique en 2004.

2. Les ministres africains constataient avec préoccupation que depuis la tenue, à Cologne en 1999, du Sommet du G-8 – au cours duquel la Campagne Jubilé 2000 avait permis d’obtenir des pays riches l’engagement d’annuler 100 milliards de dollars de la dette des 42 pays les plus pauvres du monde – seuls 8 pays africains avaient atteint leurs points d’achèvement au titre de l’Initiative renforcée en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE). Dans l’intervalle, la situation économique s’était beaucoup assombrie et de nombreux pays, y compris les quelques pays ayant bénéficié d’un allégement de leur dette au titre de l’Initiative PPTE, étaient retombés dans les affres d’un niveau d’endettement intolérable.

3. La Commission économique pour l'Afrique et la République du Sénégal ont accueilli, ensemble, une réunion d’experts qui s’est tenue les 17 et 18 novembre 2003 à Dakar, pour chercher des solutions pratiques au problème de l’endettement extérieur de l’Afrique. Cette réunion donnait suite à une demande faite à son Excellence, Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, par les chefs d’État africains à Lomé en 2000.

4. Les 80 participants à la réunion étaient des représentants des ministères africains des finances et des banques centrales ainsi que des experts de la société civile internationale et africaine, du FMI, de la Banque mondiale et de la communauté scientifique.

Questions soulevées lors de la réunion

Assurer un degré d’endettement tolérable à long terme

5. Les experts ont noté que la définition de la viabilité de la dette et l’application pratique de cette notion étaient au cœur de toutes les tentatives de trouver une solution durable au problème de la dette extérieure de l’Afrique.

6. En ce qui concerne la mesure du fardeau de la dette, les experts ont noté que la notion de valeur actuelle nette (VAN) de la dette, sur laquelle repose l’analyse de la viabilité de la dette, ne permettait pas nécessairement des mesures précises. Ils ont recommandé d’étudier encore les avantages qu’il y aurait à mesurer simplement la dette en fonction de l’encours. Les experts ont proposé d’utiliser des indicateurs multiples pour l’analyse de la viabilité de la dette, de façon à enrichir et à approfondir la perception de la spécificité de la crise de la dette dans chaque pays. Dans cette optique, il faudrait inclure comme indicateur l’encours de la dette et le coût du service de la dette, par rapport au revenu des exportations et aux recettes totales.

7. Les experts ont reconnu que la liquidité budgétaire était le principal problème des gouvernements africains. Les recettes budgétaires devraient donc être le dénominateur clef pour la dette publique, et les recettes d’exportation celui de l’ensemble de la dette extérieure nationale (d’autres dénominateurs peuvent également être utilisés à des fins de vérification, le cas échéant).

8. D’après les experts, pour réaliser leurs objectifs de développement, notamment les objectifs de développement du Millénaire, sans être accablés par le service de la dette, les pays africains devront adopter une stratégie d’emprunt prudente, adaptée à la situation spécifique de chacun d’entre eux. Les experts ont souligné que les transferts de ressources risquant de compromettre la capacité durable de service de la dette devraient être accordés sous forme de dons et non de flux de dettes susceptibles de créer ultérieurement des problèmes de service de la dette. Ils ont estimé crucial qu’une stratégie de financement tienne compte de l’incidence, sur la viabilité de la dette, de la proportion de dons et d’emprunts dans la composition du financement extérieur.

9. Les experts ont en outre jugé nécessaire d’examiner également la dette des pays «demi-PPTE», comme l’Angola et le Kénya, celle des pays qui ne sont pas pris en compte par l’Association internationale de développement, tels que le Nigéria, et celle des pays à revenu intermédiaire très endettés tels que le Gabon.

10. Les experts ont souligné qu’il ne saurait y avoir de solution durable aux problèmes de dette de l’Afrique sans une bonne gouvernance et une bonne gestion de l’économie de la part des pays africains. Ils ont souligné que chaque pays africain avait la responsabilité de renforcer et de consolider les progrès à cet égard.

Aspects juridiques de la gestion de la dette extérieure

11. Les experts ont reconnu que les aspects juridiques de l’endettement extérieur expliquaient, pour une large part, les niveaux d’endettement actuels des pays africains. Ils se sont fait l’écho des préoccupations du Président du Sénégal concernant la dette odieuse. Les débats ont porté sur le point de savoir si la doctrine de la dette odieuse est pertinente aujourd’hui et quels mécanismes mettre en place pour empêcher qu’une dette odieuse soit contractée à l’avenir.

12. Les experts ont proposé la création d’une équipe spéciale chargée d’examiner les modalités requises pour la création d’une institution qui identifierait les régimes odieux en Afrique. Cette institution publierait, ex-ante, des informations sur le caractère d’un régime. Cela réduirait les incohérences en matière d’information, de sorte qu’un pays ne serait pas juridiquement tenu de rembourser ces dettes et les créanciers connaîtraient les règles du jeu à l’avance et prêteraient nécessairement en connaissance de cause.

Financement de l’allégement de la dette aux fins du développement

13. Dans leurs délibérations, les experts ont souligné que les besoins financiers de l'Afrique et ses perspectives d'allégement de la dette devaient nécessairement être examinés dans le contexte plus vaste du financement du développement. Ils ont été convenus que la réalisation des objectifs de développement du Millénaire exigerait une augmentation substantielle du financement de l’aide au développement. Les besoins financiers de l’Afrique et ses perspectives d’allégement de la dette doivent donc nécessairement être examinés dans ce cadre général. Les experts ont formulé plusieurs recommandations visant à rendre le financement du développement conforme aux objectifs de développement du Millénaire. En particulier, ils ont souligné la nécessité d’évaluer les montants actuels de l’aide, leur composition et leur qualité ainsi que la proportion de dons et de prêts.

14. Tout en se félicitant de la priorité renforcée accordée par l’Initiative PPTE à l’investissement dans les secteurs sociaux, les experts ont mis en garde les gouvernements africains, qui ne doivent pas négliger les investissements dans des secteurs productifs. Ils ont noté avec préoccupation que la part de l’aide allouée au secteur productif avait beaucoup baissé.

15. Les experts étaient d’avis que l’allégement de la dette présentait de nombreux avantages par rapport à l’aide. Il est plus prévisible que l’aide bilatérale; il agit à plus long terme; il réduit le coût des transactions relatives à la gestion de l’aide et il revient à un appui budgétaire direct, ce qui accroît l’appropriation par les récipiendaires. Les experts ont vigoureusement encouragé la communauté internationale à financer un allégement supplémentaire de la dette, en tant que moyen important de financer la réalisation des objectifs de développement du Millénaire.

16. Les experts étaient d’avis que les ressources du FMI pouvaient être utilisées pour financer un allégement supplémentaire de la dette. Il a été recommandé de recourir à un réinvestissement ou à des ventes d’or du FMI, comme cela avait été fait auparavant. Il a par exemple été estimé que vendre la moitié des réserves d'or du FMI permettrait de financer très largement tout l'allégement additionnel nécessaire pour les pays pauvres très endettés, quel que soit leur statut par rapport à l’Initiative PPTE, le reste étant utilisé pour les nouveaux PPTE. On pouvait également allouer des droits de tirage spéciaux (DTS) pour créer des réserves mondiales additionnelles à réallouer à l'allégement de la dette.

Réduire au minimum l’incidence des fluctuations des prix des produits de base

17. Les experts ont reconnu que les fluctuations des cours des exportations, sous l’effet de chocs externes, étaient une cause profonde de l’incapacité de beaucoup de pays africains de sortir du piège de l’endettement.

18. Les experts ont envisagé la création d’une institution centrale, telle qu’un office de commercialisation, qui pourrait veiller à la bonne exécution des contrats et fournir une information transparente aux acteurs du marché, de façon à remédier aux dysfonctionnements du marché mentionnés plus haut. Ils ont souligné qu’il faudrait étudier plus avant les avantages que présenterait un éventuel rétablissement de ce type d'organisations.

19. Les experts étaient d’avis qu’en matière de gestion des risques liés aux produits de base, les mécanismes du marché devraient être complétés par un financement officiel destiné à appuyer les pays qui pâtissent de fluctuations brutales des termes de l'échange. Il a été noté avec préoccupation qu’actuellement, les PPTE n’avaient guère accès à ce type de financement.

La voie à suivre

20. Les experts ont souligné que la cause profonde du problème de la dette du continent tenait à l’absence de position commune africaine et de porte-parole efficace qui permettrait d’engager un dialogue collectif constructif avec les pays et institutions partenaires de l’Afrique. Il était urgent de faire en sorte que les pays africains cessent de réagir trop tard à des propositions politiques mondiales ayant de vastes implications pour l’Afrique.

21. Les experts ont recommandé la création d’un comité technique spécial chargé de faciliter des réactions africaines rapides et compétentes face aux nouvelles propositions politiques globales sur l’allégement de la dette. Ce comité devrait être composé d’experts du Nouveau Partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD), de l’Union africaine (UA), de la Banque africaine de développement (BAfD), de quelques États membres et des organisations sous-régionales, sous la direction de la Commission économique pour l'Afrique.

22. En conclusion, les experts ont remercié la Commission économique pour l'Afrique et la République du Sénégal de les avoir rassemblés pour cette importante réunion. Ils ont tenu à exprimer leur gratitude envers Son Excellence, Maître Abdoulaye Wade, Président de la République du Sénégal, pour sa direction remarquable des travaux et ses contributions exceptionnelles au débat, ainsi que pour l’accueil chaleureux réservé aux participants à Dakar.