Addis-Abeba, le 14 avril 2020 - Dans le cadre de son analyse visant à éclairer les mesures stratégiques face au COVID-19, la Commission économique pour l’Afrique, appelle à une prise en compte adéquate de la vulnérabilité des économies des villes alors que les gouvernements africains consolident leurs efforts et définissent des mesures de relance pour atténuer les impacts économiques régionaux.
« En tant que moteurs et facteurs de la croissance économique, les villes sont confrontées à des risques considérables à la lumière du COVID-19, ce qui a des répercussions sur la résilience du continent à la pandémie », déclare Thokozile Ruzvidzo, Directrice de la division du genre, de la pauvreté et de la politique sociale de la CEA.
Les villes africaines comptent 600 millions d’habitants et représentent plus de 50% du PIB de la région. Ce taux est encore plus élevé, plus de 70% pour des pays comme le Botswana, l’Ouganda, la Tunisie et le Kenya. Un tiers des PID nationaux (31%) provient en moyenne de la plus grande ville dans les pays africains. À ce titre, la contribution économique des villes de la région est bien supérieure à leur poids dans la population.
Les effets de COVID-19 sur l’emploi sont susceptibles d’être graves dans les zones urbaines. Les secteurs urbains de l’économie (fabrication et services) qui représentent actuellement 64% du PIB en Afrique seront durement touchés par les effets liés au COVID-19, entraînant des pertes substantielles d’emplois productifs. En particulier, les quelque 250 millions d’Africains dans l’emploi urbain informel (hors Afrique du Nord) seront menacés. Les entreprises et les commerces des villes africaines sont très vulnérables aux effets du COVID-19, en particulier les PME qui représentent 80% des emplois en Afrique. Ces risques sont aggravés par une hausse probable du coût de la vie, comme le montrent, par exemple, certains rapports initiaux d’augmentation allant jusqu’à 100% du prix de certains produits alimentaires dans certaines villes africaines.
En outre, la consommation et les dépenses urbaines (de produits alimentaires, produits manufacturés, services publics, transport, énergie et services) sont susceptibles de connaître une forte baisse à la lumière des confinements des restrictions réduites liés aux COVID.
« Les villes africaines stimulent la consommation avec leur classe moyenne en croissance, les dépenses de consommation par habitant dans les grandes villes étant en moyenne 80% plus élevées au niveau de la ville qu’au niveau national. La baisse de la consommation urbaine liée au COVID-19 aura donc un impact sur les chaînes de valeur nationales, y compris les zones rurales », note Mme Ruzvidzo.
En outre, les dépenses par habitant des collectivités locales africaines étant les plus faibles du monde, à 26 dollars, de nombreuses collectivités locales sont mal dotées en ressources et moins en mesure de faire face à l’assaut de COVID-19. La baisse probable des sources de revenus pour les autorités locales en raison des effets réducteurs du COVID-19 sur leur capacité déjà limitée à répondre à cette crise est également alarmante. Les transferts intergouvernementaux / nationaux, qui représentent 70 à 80% du financement des collectivités locales, devront être réduits en raison de l’intervention nationale immédiate et des besoins de relance. Des revenus autonomes qui sont déjà faibles à seulement 10% des finances des autorités locales avec des confinements et des restrictions au niveau de la ville entraînent ainsi une baisse de l’activité économique.
Pourtant, les autorités locales sont des intervenants de première ligne face à ces chocs et crises. Compte tenu de la proximité de leurs circonscriptions, les autorités locales sont bien placées pour mener et agissent déjà face à certaines des conséquences immédiates, ce qui leur permet de mieux comprendre les besoins et les mesures nécessaires et d’instaurer une plus grande transparence et le sens de la responsabilité.
Compte tenu de ces circonstances, la CEA propose un soutien spécifique aux gouvernements municipaux pour atténuer et répondre aux effets économiques de COVID-19, en plus de la priorité immédiate accordée à la santé et à l’aide humanitaire. La désagrégation de l’analyse et de l’identification des priorités et des réponses aux échelles sous-nationale et urbaine est une première étape.
Des mesures proactives sont également nécessaires pour la reprise économique urbaine, notamment par le biais de mesures visant à renforcer les finances et les capacités des autorités locales en tant que premiers intervenants, à des renflouements à court terme et à des exemptions pour les PME afin de limiter la productivité et les pertes d’emploi, la protection sociale pour ceux qui occupent un emploi urbain informel tout en anticipant le potentiel des programmes de travaux publics à forte intensité de main-d’œuvre pour la création d’emplois à moyen terme. À cet égard, Mme Ruzvidzo souligne que « les gouvernements locaux doivent être soutenus car ils sont mieux à même de répondre aux besoins locaux, y compris en coordination avec les structures communautaires ».
À plus long terme, la vulnérabilité aiguë des économies des villes exige des efforts pour revitaliser et améliorer la productivité des villes africaines grâce à des investissements adéquats visant à combler les déficits et les obstacles importants auxquels elles sont confrontées. Avec plus de la moitié de la population africaine susceptible de vivre dans les villes en seulement 15 ans, les risques d’une urbanisation mal planifiée et mal gérée sont considérablement élevés, rendant des millions de personnes vulnérables aux effets des chocs futurs.
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