Yaoundé, 16 mars  2020 (CEA) – Les économies de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC) connaîtront cette année, selon les prévisions, une baisse collective de 4,7 points de pourcentage de leur croissance du PIB en raison de l’impact grave de la pandémie du coronavirus (COVID-19), qui devrait également coûter à l’ensemble du continent des milliards de dollars pour le combattre et la moitié de son potentiel de croissance.
Telles sont les conclusions de la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA), dont l’analyse projette une réduction du taux de croissance économique du continent d’une prévision précédente de 3,2% à 1,8%, la sous-région de l’Afrique centrale étant l’une des zones les plus exposées à la récession économique.
S’adressant à divers groupes de presse pour relever les impacts du COVID-19 sur les économies d’Afrique centrale, Antonio Pedro, directeur du Bureau de la CEA pour la sous-région, a déclaré: «avec le coronavirus, les pays d’Afrique centrale sont confrontés à un double péril, sous-tendu par leur dépendance excessive à l’égard l’exportation de produits de base ».
«Ce double péril signifie qu’en plus de lutter contre cette pandémie avec des ressources financières très limitées et des systèmes de santé fragiles, nous devons également faire face à ses graves effets économiques, qui se multiplient en raison de la constitution de nos économies conduisant à une exposition disproportionnée aux effets de contagion des chocs extérieurs »
Dans la sous-région de l’Afrique centrale, a-t-il déclaré, des pays comme le Gabon, le Congo, le Tchad et la Guinée équatoriale compteront parmi les plus durement touchés en termes économiques, étant donné le poids des exportations de pétrole dans les exportations totales. Dans un scénario de 30 dollars US / baril, cela représenterait une réduction de 50 % des revenus d’exportation de pétrole causée par une contraction de la demande et des prix. Ceci est le résultat des projections à la baisse du taux de croissance des économies chinoise et occidentale et d’un différend non résolu entre la Russie et l’Arabie saoudite sur les plafonds de production de pétrole.
Outre le pétrole, les filières les plus touchées, selon Simon Fouda et Issoufou Seidou Sanda, fonctionnaires chargés des affaires économiques, sont la chaîne d’approvisionnement, le tourisme, les envois de fonds de la diaspora et les produits de base tels que le café, le cacao, le caoutchouc et le bois.
L’effet sur le tourisme, par exemple, pourrait faire en sorte que Sao Tomé-et-Principe perde 34,2% de son PIB prévu pour 2020, ce qui est beaucoup plus important en termes de pertes que ce que le Gabon et la Guinée équatoriale dépendants du pétrole perdraient en termes de PIB précédemment projeté - soit 17,6% et 18,5% respectivement.
Pour faire rapidement face au double défi du COVID-19 sur les économies d’Afrique centrale, les gouvernements doivent faire tout leur possible pour contrer la propagation du virus, en travaillant avec les organismes clés sur l’aspect épidémiologique - tels que l’Organisation mondiale de la santé – ont déclaré les responsables de la CEA, tout en reconnaissant les efforts déjà déployés par les États membres de la CEMAC à travers leurs ministres de la santé, qui ont décidé le week-end dernier de mettre en place un front collectif pour contenir la propagation du virus.
À ce stade, les pays d’Afrique centrale pourraient faire recours à des politiques monétaires expansionnistes, y compris l’assouplissement quantitatif (qui implique l’injection des fonds dans les circuits performants par les gouvernements) et d’autres mesures incitatives, comme mesure à court terme, a déclaré M. Pedro.
«Mais comme il s’agit d’une voie difficile à prendre, compte tenu de l’espace budgétaire restreint dans lequel les pays d’Afrique centrale de la dernière génération de régimes d’ajustement structurel sont confrontés, les partenaires au développement devront venir à l’aide, pour suivre l’exemple déjà montré par le FMI et la Banque mondiale qui ont promis de l’aide et des prêts concessionnels aux pays en développement confrontés à la pandémie ».
«Encore une fois, ce ne sont que des mesures temporaires car pour sortir de cette situation récurrente critique et du cercle vicieux de la vulnérabilité aux chocs extérieurs, les pays de la sous-région d’Afrique centrale doivent investir dans les fondamentaux de la diversification horizontale de leurs économies à travers l’augmentation du nombre d’exportations produits et au plan vertical, en approfondissant la valeur ajoutée des biens et services grâce à l’industrialisation basée sur les ressources et induite par le commerce », a-t-il relevé. Il a fait remarquer que c’était là l’essence du Consensus de Douala sur la diversification économique adopté en septembre 2017.
Face aux médias, les économistes de la CEA ont relevé le niveau avancé de transformation des produits du bois au Gabon comme un exemple de la manière dont les pays centrafricains devraient utiliser leurs avantages comparatifs pour mieux se positionner dans les chaînes de valeur mondiales.
Ils ont fait comprendre que les gouvernements doivent donc intervenir pour créer un environnement propice à ces changements, notamment en instituant des politiques de contenu local telles que des règles qui localisent les achats qui, dans plusieurs cas, représentent 60%, soit le coût d’exploitation total des grandes entreprises opérant sur le continent.
Les gouvernements devraient également faciliter la participation des petites et moyennes entreprises (PME) aux chaînes de valeur locales et régionales en supprimant les barrières tarifaires et non tarifaires, en particulier en prélude à la phase de démarrage des échanges dans le cadre de la Zone de libre-échange continentale africaine. (ZLECAf).Â
Toutefois, ont-ils prévenu, il s’agit d’une situation dans laquelle le secteur privé doit ajuster le siège du conducteur.
«Et si la multitude de gigantesques entreprises et propriétaires de capitaux en Afrique copiait l’exemple d’Aliko Dangote qui n’a pas pas attendu que l’environnement soit parfait pour affronter des géants de la fabrication et de la vente de ciment?», s’est interrogé M. Pedro.
«C’est là la voie à suivre puisque, par exemple, le monde entier va bientôt migrer vers des voitures électriques alimentées par des batteries pour une industrie de 300 milliards de dollars par an d’ici 2050, avec environ 160 millions d’automobiles à construire ».
« Si l’Afrique produit plus de 70% du cobalt total utilisé dans le monde pour produire les batteries des moteurs de voitures électriques, pièce essentielle de ce type de véhicule, alors pourquoi nos riches propriétaires de capitaux tardent à se ruer  dans ce secteur? », s’est-t-il interrogé.
Le directeur de la CEA pour l’Afrique centrale a déclaré que la Commission invite d’ores et déjà la communauté des affaires du continent à adopter une stratégie commerciale tournée vers l’intérieur parce que les opportunités, les marchés - en particulier avec une classe moyenne en augmentation - et les ressources sont disponibles à cet effet.
Alors que M. Pedro a exhorté les médias à examiner attentivement les contours économiques de COVID-2019 afin d’aider à sensibiliser les principaux acteurs économiques aux mesures à adopter à court mais davantage à long terme, il leur a assuré que la CEA tiendrait des discussions profondes sur la situation avec les gouvernements à travers l’Afrique, dans la continuité de ce qu’a déjà initié la Secrétaire exécutive - Mme Vera Songwe.
« Nous ne pouvons pas nous lasser de poursuivre notre croisade pour la diversification économique et l’industrialisation, en particulier en Afrique centrale, car si nos États membres ne parviennent pas à résoudre leurs problèmes structurels maintenant, ils seront continuellement confrontés aux mêmes problèmes lorsque survient une crise internationale ».
« C’est le cercle vicieux de la dépendance à la vente des matières premières, que nous essayons de battre en espérant un cercle vertueux de transformation structurelle soutenu par la diversification économique et l’industrialisation », a conclu M. Pedro.
Les organes de presses Africa 24, Africanews, BBC, Cameroon Bloggers ‘Association, Cameroon Radio Television-TV, Cameroon Radio Television – Poste national, Cameroon Tribune, Dow Jones, Equinoxe Télévision, Journal du Cameroun, Journal Intégration, Le Messager, Radio France International, The Guardian Post, The Insider et Voice of America faisaient partie du gratin des médias qui prenaient part aux discussions sur l’impact économique de COVID-19 sur l’Afrique.
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Abel Akara Ticha – Chargé de communication
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