Johannesburg, 28 octobre 2013 - L'Afrique est bien placée pour assurer sa transformation par le biais de l'intégration régionale. Cette intégration devra cependant aller bien au-delà de l’attention accordée uniquement au commerce des marchandises. Telle est la conclusion d'une après-midi de discussions qui a rassemblé le 26 octobre, à Johannesburg, un panel de haut niveau sur le thème de l'intégration régionale, composé de représentants des groupes de réflexion africains et de la Banque africaine de développement (BAD).
Selon les informations disponibles, le commerce intra-africain de marchandises reste peu développé. Le panel de spécialistes a proposé que l'intégration régionale couvre également la libre circulation des individus pour assurer la mobilité du travail, vitale pour abaisser le coût du travail, la circulation des talents via la promotion de la reconnaissance mutuelle des qualifications dans des secteurs tels que la médecine, et la circulation des capitaux à travers la mise en place de cotations boursières croisées pour promouvoir la mobilisation des capitaux.
Pour que l'Afrique avance rapidement sur la voie de l'intégration régionale et renforce avec succès la création de valeur et son intégration en chaînes de valeur mondiales, les groupes de réflexion ont également souligné le besoin de tirer parti des matières premières pour favoriser l'industrialisation, créer des emplois et assurer la transformation économique.
Alex Rugamba, directeur de la BAD chargé de l'énergie, de l'environnement et du changement climatique, a souligné la pertinence du thème - « L'intégration régionale en Afrique » - de l'édition 2013 de la Conférence économique africaine, « … pour une Afrique en quête de marchés plus vastes pouvant dégager des économies d'échelle et créer des conditions favorables à l'investissement ».
« L'intégration régionale a progressé considérablement dans les priorités de développement de ce continent », a-t-il ajouté.
Janvier Litse, directeur du NEPAD et chargé de l'intégration régionale de la BAD, a présenté un tableau exhaustif de la situation du continent en matière d'intégration régionale, précisant que malgré des efforts continus pour soutenir l'intégration régionale, « (l'Afrique) demeure la région du monde la moins intégrée ».
M. Litse a également rappelé que l’application des accords convenus par les dirigeants africains était peu étendue, et il a invité les participants à « examiner d'un point de vue critique le statu quo, disséquer les questions émergentes et trouver des solutions pratiques » à ces défis. « Ensemble, nous pouvons dessiner la trajectoire de l'intégration du continent et faire de l'intégration régionale une réussite pour l'Afrique », a-t-il fait ressortir.
Moono Mupotola, responsable du département de l'intégration régionale de la Banque, a présenté la vision qu’a celle-ci de l'intégration régionale. Elle a expliqué l’engagement et la stratégie de la BAD à cet égard, qui consiste à « libérer le potentiel de l'Afrique » pour assurer l’efficience des flux de marchandises, de services et de personnes. Elle a mis l'accent sur le besoin d’une consolidation des marchés africains, aujourd'hui limités en taille et fragmentés, et de s’attaquer à des questions transfrontalières telles que la sécurité et le changement climatique. Elle a également affirmé que les défis restaient entiers, malgré les énormes sommes investies par la BAD dans des infrastructures immatérielles et matérielles ainsi que dans des projets de transformation.
Selon elle, il convient de citer parmi les défis existants la capacité limitée à mettre en place des projets régionaux communs ainsi que les disparités dans les priorités nationales, la faiblesse des capacités de production, les écarts infrastructurels majeurs et une capacité de mise en œuvre faible, au niveau tant des pays que des régions.
Sur la question des enseignements tirés, elle a mis l'accent sur le besoin d'une approche sélective, davantage centrée sur les aspects politiques et institutionnels de l'intégration, ainsi que sur un dialogue politique accru. « On ressent un besoin d'assurer une meilleure préparation des projets et de mobiliser des financements privés pour les opérations régionales, » a-t-elle déclaré, ajoutant que la BAD ne manquait pas d'idées, mais que la préparation des projets demeurait un défi.
Autre intervenant, Issa Faye, responsable du département de la recherche de la BAD, a fait ressortir des points forts, appelant à la réflexion, à propos de la nécessité d’établir si la Banque est véritablement sur la bonne voie, et si ses réalisations en matière d'intégration régionale ont effectivement été bénéfiques aux populations africaines. « Notre institution a beaucoup fait en termes de procédure, mais il reste encore fort à faire dans le domaine de la mise en œuvre » a dit M. Faye. Il a également évoqué les questions de prospérité partagée, la politique et la démocratie en tant qu'éléments clés devant être pris en compte.
Les cinq membres du panel qui se sont exprimés durant la session, sous la présidence de Steve Kayizzi-Mugerwa, directeur de la recherche sur le développement de la BAD, ont axé leurs interventions sur les priorités et les politiques relatives à l'intégration régionale en tant que supports de l'industrialisation. Ils ont exprimé le besoin de sortir des sentiers battus et d'adopter une approche stratégique à l’égard du financement de l'intégration régionale. Parmi les autres suggestions ont figuré l’appropriation des questions d'intégration par les Africains, le renforcement des capacités institutionnelles, la mise à disposition d'un budget adapté pour la recherche et la réponse aux défis et aux opportunités par la création d'un secteur privé dynamique en Afrique.
Mthuli Ncube, chef économiste et vice-président de la Banque, a précisé que toute intégration présuppose des investissements dans les infrastructures, la formation de compétences et l'éducation. « Les infrastructures sont au centre de l'intégration régionale en ce qu'elles sont le point de départ de la connectivité », a-t-il ajouté.
Il a néanmoins rappelé le besoin de mettre en avant la question souvent négligée des infrastructures « souples », comme les postes frontières avec des guichets uniques. Sur un continent qui dénombre le plus de pays enclavés, M. Ncube a fait ressortir la nécessité de disposer de ports efficaces, tout en soutenant que tous les ports constituent des atouts à l'échelle régionale. Ces ports doivent ainsi être desservis par des couloirs de transport efficaces, renforcés par des mesures de facilitation des échanges. Il a également souligné l'importance de la quantification des résultats, observant que la BAD avait fait des progrès dans ce domaine, mais que des efforts restaient à faire.
Victor Murinde, directeur de l'Institut africain de développement, a pris acte de la qualité des débats et des participants et a annoncé que cette année, la séance de réseautage avec les groupes de réflexion africains avait ouvert la voie vers une transformation accélérée de l’Afrique à travers l'intégration régionale.