Yaoundé, 10 juillet 2019 (CEA) – Une fois de plus, la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) a exhorté les dirigeants de la sous-région Afrique centrale, en particulier ceux des États membres de la CEMAC, à maintenir impérativement la diversification de l’économie et l’industrialisation induite par le commerce comme piliers de leurs options de développement durable, tout en tirant parti des opportunités offertes par la transformation numérique et l’intégration régionale – options renforcées par la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf).
Le Directeur du Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique centrale, M. Antonio Pedro, l’a souligné lors d’une consultation sur l’accélération de l’intégration physique et commerciale dans la zone CEMAC, organisée récemment à Douala, au Cameroun, par le Professeur Daniel Ona Ondo, Président de la Commission de la CEMAC.
Présidée par M. Gilbert Ondongo, ministre d’Etat, ministre de l’économie, de l’industrie et du portefeuille public, et en présence du Président de la BDEAC, du Gouverneur de la BEAC, de ministres des finances et d’autres représentants de tous les Etats membres de la CEMAC, ainsi que des partenaires de développement, la rencontre a mis l’accent sur l’identification de projets d’intégration réalistes dans le cadre la deuxième phase du Programme économique régional (PER) de la CEMAC. Grâce à ces projets, les pays de la sous-région espèrent atteindre le niveau de revenu intermédiaire, être mieux intégrés et sécurisés et améliorer leurs normes de gouvernance et cotes de développement humain.
Harmoniser le PER avec les Agendas 2030, 2063 et les programmes nationaux
Ainsi, la majorité des projets du PER à l’étude portaient sur les infrastructures, notamment la construction de routes, de ponts, de voies ferroviaires, de liaisons de fibres optiques, de barrages hydroélectriques, de lignes de transport d’énergie et de ports secs - une preuve évidente de la nécessité de remédier aux problèmes d’infrastructures qui font de l’Afrique centrale une destination d’investissement très onéreuse et peu compétitive, si on la compare à d’autres sous-régions en Afrique.
Au cours de la réunion, M. Pedro a reconnu l’importance du PER pour le développement des infrastructures, mais il a précisé qu’il était tout aussi important d’inclure dans ce programme des projets visant à promouvoir la diversification économique et l’industrialisation, si la région parvient à briser le cercle vicieux des périodes de prospérité et de ralentissement qui caractérisent la plupart des économies d’Afrique centrale.
« Nous avons besoin d’un PER de deuxième génération avec la diversification économique et l’industrialisation comme principaux piliers», a-t-il déclaré, avant d’ajouter : «pour favoriser l’émergence de chaînes de valeur régionales et améliorer la compatibilité des économies locales, nous souhaitons voir des plans et stratégies de développement nationaux entièrement alignés sur le nouveau PER».
M. Pedro a expliqué comment aligner le PER sur les objectifs de l’Agenda 2030 des Nations Unies et de l’Agenda 2063 de l’Union africaine. Il a en outre identifié les opportunités que l’Afrique centrale pourrait exploiter pour jouer un rôle de premier plan dans les transitions et les transformations clés et les plus stratégiques qui faciliteront la réalisation des ODD et de l’Agenda 2063 en Afrique et dans le monde.
À cet effet, il a présenté les six principales transformations pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies, telles qu’énumérées par le Réseau des solutions pour le développement durable (SDSN), à savoir i) éducation, inclusion, emploi et croissance; ii) santé et bien-être; iii) énergie propre et industrie; iv) alimentation durable, utilisation des sols et océans; v) villes intelligentes et systèmes de transport; et vi) technologies numériques et gouvernance électronique, puis les a comparés aux secteurs dans lesquels l’Afrique centrale a des avantages comparatifs.
Citant l’étude du FMI selon laquelle les pays les moins avancés (PMA) auraient besoin d’environ 500 milliards de dollars américains pour atteindre les objectifs de développement durable, il a souligné que, pour financer ces objectifs, les gouvernements de la région devraient améliorer la gestion macroéconomique, renforcer la mobilisation des ressources intérieures grâce à une meilleure administration fiscale, accroître l’efficacité des dépenses, lutter contre la corruption et améliorer le climat des affaires pour le développement du secteur privé.
« L’aide publique au développement (APD) locale et internationale ne suffit pas, seule, à combler le déficit de financement », a-t-il clamé.
« Le secteur privé a un rôle primordial à jouer et, surtout, étant donné l’instabilité macro-économique qui prévaut en Afrique centrale, nous devons investir dans les secteurs qui rapporteraient le plus pour chaque dollar investi », il a ajouté.
Changer les paradigmes vers une plus grande diversification horizontale et verticale de l’économie
Sur ce point, le Chef du Bureau sous-régional de la CEA pour l’Afrique centrale a une fois de plus plaidé pour la diversification de l’économie et l’industrialisation induite par le commerce, comme options les plus viables pour mettre fin au cycle vicieux des retournements de conjoncture dans la croissance économique, en raison de les chocs entraînant une dépendance excessive à l’exportation de produits bruts/non transformés.
Dans le contexte actuel de faible diversification économique, l’Afrique centrale ne peut réaliser des progrès significatifs en ce qui concerne les projets nationaux et intrarégionaux, a-t-il déclaré, soulignant que la part de la valeur ajoutée manufacturière dans les produits commercialisables dans la sous-région était inférieure à 18% pour les meilleurs élèves (RDC) et à 3% dans le pire des cas (Tchad et Gabon).
Il a noté qu’en Afrique centrale, 75% des recettes d’exportation de cinq pays dépendaient d’un ou de deux produits. En Angola, au Tchad et au Congo Brazzaville, un seul produit, le pétrole, représente plus de 75% des exportations.
L’avènement de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) appelle un changement de paradigme vers une plus grande diversification horizontale et verticale des produits d’exportation. « La ZLECAf a un potentiel immense pour contribuer à la diversification de nos économies et à renforcer la sophistication de nos produits d’exportation, car le commerce intra-africain est déjà plus sophistiqué que le commerce entre l’Afrique et le reste du monde. Mais pour vendre en Afrique ou ailleurs, il faut être productif et compétitif», a poursuivi M. Pedro.
Il s’est posé la question de savoir pourquoi les denrées alimentaires représentaient respectivement 27% et 29% des importations totales du Gabon et de la Guinée équatoriale, qui disposent pourtant de suffisamment de terres arables. Selon lui, la production des denrées alimentaires devrait constituer une cible facile et abordable de production et de valeur ajoutée dans la zone CEMAC.
« Pourquoi ne pouvons-nous pas produire localement les engrais et autres produits chimiques nécessaires dans l’agriculture, en particulier lorsque nous avons des avantages comparatifs dans ce secteur? », s’est-il interrogé. Il a rappelé, par exemple, que la valeur in situ des ressources en potasse du Congo (utilisées pour la production d’engrais) dépassait 2 000 milliards de dollars et que le marché mondial de la potasse représenterait environ 50 milliards de dollars américains par an d’ici 2050.
M. Pedro a levé un pan de voile sur le potentiel de la sous-région dans plusieurs autres créneaux, notamment la fabrication de matériel de construction et d’équipement ménagers en raison de l’urbanisation rapide; les produits pharmaceutiques, compte tenu des énormes ressources médicinales des forêts de la sous-région; et la construction de voitures électriques et la fabrication de batteries lithium-ion grâce à l’immense capacité de production de cobalt de la RDC (60% de la production mondiale).
Il a ajouté que la productivité dans tous ces secteurs serait fortement améliorée si l’on exploitait l’économie numérique, qui représente actuellement 15,5% du PIB mondial, et devrait atteindre 25% d’ici moins d’une décennie.
Financement des Agendas 2030 et 2063: besoin de projets bancables et s’attaquer aux contraintes
M. Pedro a fait valoir que, pour que les États membres de la CEMAC mettent effectivement en œuvre les Agendas 2030 et 2063 ainsi que leurs objectifs de développement intégré, ils devaient s’attaquer aux contraintes prioritaires, notamment des obstacles en matière de financement, la corruption, les défis liés aux infrastructures, l’énergie et la main-d’œuvre qualifiée nécessaire. Il a invité l’Afrique centrale à doubler sa part du commerce intrarégional (moins de 3% actuellement) au cours des cinq prochaines années. «Pour mesurer la performance économique, le Programme économique régional de la CEMAC a besoin d’indicateurs et d’objectifs clairs», a-t-il observé.
La sous-région devrait développer son portefeuille de projets bancables à travers des études de diagnostic de la croissance adéquates, de meilleures compétences dans l’analyse de la chaîne de valeur, l’analyse de l’espace produit, le profil de la compétitivité et la conception de projet», a-t-il noté.
La Banque islamique de développement (BID) préconise également cette approche, car lors de la réunion, elle a relevé sa stratégie actuelle basée sur les chaînes de valeur mondiales, la valeur ajoutée, le développement de secteurs compétitifs et l’amélioration de la capacité de financement des projets de mobilisation de financements privés.
La Banque africaine de développement, également représentée à la réunion, a présenté sa stratégie d’intégration régionale en Afrique centrale pour la période 2019-2025, qui vise à stimuler la diversification de l’économie et la transformation structurelle par l’accroissement des échanges intrarégionaux dans la sous-région. Entre autres objectifs, la Banque renforcera les capacités des communautés économiques régionales en matière de gestion et de mise en œuvre des projets régionaux.
En conclusion, Pedro a conseillé aux dirigeants de la sous-région d’envisager d’intégrer dans le Programme en cours de réforme économique et financière de la CEMAC (PREF-CEMAC), la surveillance et le contrôle par l’Etat de la mise en œuvre du Consensus de Douala (un appel lancé à diverses parties prenantes pour la diversification de l’économie dans la sous-région lors de la conférence sous-régionale statutaire de la CEA en 2017).
L’assemblée a adopté les recommandations proposées par la CEA et d’autres participants, comme en témoigne le Communiqué final signé par le Président de la CEMAC.
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