Érosion de la base d'imposition et transfert de bénéfices en Afrique : réformes de l'imposition des entreprises multinationales
Une meilleure mobilisation des ressources intérieures est la condition de la transformation structurelle en Afrique, indispensable pour résoudre les problèmes sociaux et économiques de la pauvreté, l’inégalité et l’insuffisance de l’emploi. La plupart des pays africains, pourtant, ont beaucoup de mal à mobiliser leurs ressources intérieures. Les difficultés sont le plus souvent le résultat de la médiocrité des systèmes de gouvernance, de l’insuffisance des investissements publics, de la corruption, de politiques économiques et fiscales mal conçues et imposées de l’extérieur, qui encouragent des systèmes qui n’ont pas réussi à assurer la transformation structurelle des pays africains. Mais il faut citer aussi les problèmes liés à l’insuffisance de la législation fiscale, la faible application de celle-ci et une fragilité générale de l’administration, autant de facteurs qui compromettent la bonne collecte de l’impôt. Si ces problèmes étaient résolus, les avantages attendus seraient obtenus beaucoup plus rapidement que si l’on compte sur une transformation systémique susceptible d’augmenter les recettes publiques.
En dehors de ces problèmes, la sortie illicite de capitaux, qui coûterait au continent africain chaque année 145 milliards de dollars, est le principal obstacle à la mobilisation des ressources intérieures. On manque de travaux de recherche sur les filières de transmission des flux financiers illicites à partir de l’Afrique, mais la signification de ces flux a fait l’objet de nombreuses discussions. Les auteurs du présent rapport prennent la position qui veut que l’élimination des phénomènes comme l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices fasse partie d’un plan d’action général de réduction des flux financiers illicites. En raison du manque de données et de transparence des états financiers des entreprises multinationales, l’ampleur réelle de l’évasion fiscale dont elles sont responsables, en Afrique, reste difficile à établir. Néanmoins, des études ont montré que l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices sont des pratiques courantes dans le continent. Les entreprises multinationales exploitent l’absence de synchronisation des règles fiscales, qui ne suivent pas l’évolution des modèles d’entreprises, et dont le but est de réduire la base d’imposition et de transférer des bénéfices vers les juridictions où la fiscalité est légère. Le résultat est une réduction des recettes publiques, et donc un grave sous-financement de l’investissement public et de l’équipement, alors qu’il faudrait les augmenter pour promouvoir la croissance économique. Comme les pays africains sont fortement dépendants de l’impôt sur le revenu des entreprises, en particulier les entreprises multinationales, une répression des pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert de bénéfices serait de nature à augmenter les impôts perçus sur ces entreprises, et donc la mobilisation des ressources intérieures.