Une communication présentée lundi 5 décembre, dans le cadre de la Conférence économique africaine 2016 qui se déroule à Abuja, a braqué les projecteurs sur le rôle de catalyseur des petites et moyennes entreprises (PME) du secteur privé dans l’industrialisation et la modernisation de l’agriculture en Afrique.
Lors de la première séance plénière de haut niveau de la Conférence sur le thème « Réflexions et perspectives sur la réalisation d’une agro-industrialisation inclusive en Afrique », Ada Osakwe directrice générale d’Agrolay Ventures, une société nigériane d’investissements privés spécialisée dans l’agro-alimentaire, a parlé de la façon dont les PME pourraient fournir les ressorts nécessaires à une croissance inclusive dans le secteur. « Quand on pense au petit paysan, on pense à la croissance inclusive », a-t-elle déclaré.
Madame Osakwe a donné des exemples se rapportant à son entreprise, qui compte investir, dans les cinq ans, quelque 5 millions de dollars EU dans 50 jeunes entreprises agricoles à visée agro-industrielle. Et de souligner qu’une telle démarche pourrait inspirer les pays africains.
« Pour nous, il est très important que le petit fermier puisse nous fournir des tomates et des carottes quand nous en avons besoin, a expliqué la directrice générale d’Agrolay Ventures, qui emploie 16 personnes. Une grosse entreprise aurait le choix. Si le petit fermier ne lui donne pas ce qu’elle veut, elle peut racheter sa ferme, ignorer ses produits, ou le contourner complètement. Mais pour nous, nous pensons à une situation gagnant-gagnant quand nous pensons au petit paysan. C’est donc une optique inclusive ».
Ada Osakwe a également expliqué pourquoi son entreprise privilégie la transformation et souligné à quel point les petits acteurs pourraient changer la donne. « Tout le monde parle de la transformation par rapport à la chaîne de valeur. Si on prend pour exemple des pays comme le Rwanda et son secteur du thé, on constate que 75 % des exploitants qui axent leurs activités sur le secteur du thé sont de petits agriculteurs ; et ils ne récupèrent que 25 % de la valeur économique de leurs produits. Comparez cette situation avec celle des cultivateurs de thé du Kenya, qui sont organisés, et vous verrez qu’ils récupèrent 75 % de la valeur finale du thé qui est exporté. Voilà la différence », a ajouté madame Osakwe.
« La différence est que les fermiers du Kenya possèdent leurs propres installations de transformation, a-t-elle poursuivi. Ils sont donc en mesure de rechercher ce qui est efficace dans leur exploitation et de rectifier le tir », a-t-elle fait remarquer. Et d’ajouter que les pays africains pourraient miser sur les PME pour tirer parti de l’industrie mondiale de l’emballage de produits agricoles.
« L’Afrique dépense chaque année 3,5 milliards de dollars pour importer du riz. Nous pourrions produire ce riz, qui est du paddy, localement. Lorsqu’on demande aux gens qui consomment du riz étranger pourquoi ils en mangent, ils disent en général qu’il ne paraît pas être de bonne qualité, qu’il a l’air sale et qu’il n’est pas bien emballé. L’emballage est quelque chose d’important. Quand on parle de valeur ajoutée, il s’agit d’aller au-delà de ce qu’on voit. Pour moi, c’est comme de la croissance de valeur. Ce n’est pas juste faire de la purée de tomates avec des tomates. Il s’agit de mettre le produit de la bonne façon dans le bon emballage et de le vendre sur le marché domestique et ailleurs dans le monde ».
Madame Osakwe a dit souhaiter que désormais soit privilégié le « chaînon manquant » comme elle dit, non plus les grosses entreprises de transformation.
« L’industrie mondiale de l’emballage agro-alimentaire s’élève à 2 400 milliards de dollars. Si l’Afrique récupérait ne serait-ce que 1 % de ce montant, cela correspondrait à 24 milliards de dollars. La BAD [Banque africaine de développement] estime de 21 à 30 milliards de dollars EU le déficit annuel de financement pour l’agriculture. Alors, imaginez quels seraient les bénéfices pour nous si nous récupérions 1 % de l’industrie mondiale de l’emballage et si on commençait à voir du thé, des pâtes, du riz, des produits à base de tomate “Made in Africa” dans les rayons des supermarchés TESCO et d’autres grandes surfaces », a-t-elle ajouté.
Les entreprises agro-alimentaires commenceraient ainsi à gagner des devises – ce que beaucoup disent impossible –, a fait observer la directrice générale d’Agrolay Ventures.
La Conférence économique africaine annuelle, qui se tient du lundi 5 décembre au mercredi 7 décembre 2016, est co-organisée par la Banque africaine de développement (BAD), la Commission économique de l’ONU pour l’Afrique (CEA) et le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD). Cette année, la conférence a pour thème « Nourrir l’Afrique : vers une agro-industrialisation pour une croissance inclusive ».